Brièvement, quelques remarques.
Tout d’abord, afin que tout un chacun sache précisément de quoi il est question ici, voici l’explication du cas Mantell par un ballon-sonde, déjà résumée par mes soins sur un autre topic :
Cortex a écrit:
Le colonel Guy Hix attribue à l’objet la forme d’un parapluie avec une teinte rose. Le colonel l’observe depuis la tour de contrôle de sa base.
Le personnel de cette même tour de contrôle de Godman AFB donne une description vaguement similaire : un cône de crème glacée renversé teinté de rouge. La teinte semble varier en fonction des oscillations de l’objet.
Les habitants de Madisonville, tout comme nombre de témoins civils, ont parlé d’un objet circulaire.
D’autres membres du personnel de la base de Godman ont décrit l’ovni comme étant rond avec une couleur tirant sur le rouge.
Le capitaine Thomas Mantell, et son ailier le lieutenant Clements, ont décrit l’ovni comme la réflexion du soleil sur une verrière transparente.
Le lieutenant Orner, de la base de Godman, a déclaré : « L'objet semblait rond et blanc et a pu être vu au travers de nuages de type cirrus. »
Et les opérateurs de plusieurs autres bases aériennes virent en fin de journée un objet flamboyant ou doré.
Ceux qui ont pu estimer la taille de l’objet (ESTIMER, le mot a son importance) ont donné des dimensions allant de 70 m à 110 m, voire 170, en passant par la taille angulaire équivalant à la moitié de celle de la lune.
Si tous les témoignages ne sont pas donnés dans le détail, on tient néanmoins là un éventail assez complet des différentes descriptions données :
1. L’ovni ne semble avoir ni forme, ni taille, ni couleur bien définie. Celles-ci semblent varier en fonction de l’emplacement des observateurs et de ses mouvements. C’est étrange.
2. Mais un détail dans les témoignages, les descriptions de Mantell et Clements, fournit peut-être un élément d’explication : « une réflexion du soleil sur une surface transparente ». D’un seul coup, contradictions et divergences entre les différents récits prennent du sens : et si les témoins avaient vu un reflet sur ou à travers l’objet plutôt que l’objet lui-même ? Le fait que l’ovni ait pu être vu au travers des cirrus semble en outre confirmer qu’il était brillant.
3. Nul besoin d’être titulaire d’un doctorat en optique pour comprendre que la forme d’un reflet varie en fonction de l’emplacement de l’observateur. Il en va de même des différences de teintes, liées à la diffraction de la lumière à travers l’atmosphère et à la décomposition du spectre lumineux à travers le prisme formé par un objet transparent.
4. Tous ces témoignages (j’ai bien dit TOUS) tendent à prouver que l’ovni était bien un objet transparent. Donc la question qui se pose est la suivante : qu’est-ce qui est transparent, suffisamment gros pour générer un reflet de cette taille, et vole plus haut qu’un F-51 D ?
5. En janvier 1948, un seul objet connu correspond : un ballon-sonde de type Skyhook. Vérifions cette hypothèse point par point :

Un ballon Skyhook est-il assez gros pour créer de tels reflets ? Oui.

Les conditions météo étaient-elles réunies ? Oui, il faisait très beau pour un mois de janvier.

Un Skyhook peut-il osciller ou accélérer brutalement ? Oui, en fonction des variations brutales de la vitesse du vent et des courants ascendants.

Peut-il voler aussi vite qu’un F-51 ? Oui, compte tenu de la vitesse des vents (jet streams) aux altitudes où il évolue.

Le capitaine Mantell et les autres témoins ont-ils pu ne pas identifier cet engin ? C’est d’autant plus possible qu’ils en ignoraient pour la plupart l’existence. En outre, c’est vraisemblablement un reflet qui a été vu plutôt que le ballon lui-même, ce qui n’aide pas à identifier l’objet.

Un Skyhook a-t-il été lancé les jours précédents l’affaire ? Oui, un est parti du Minnesota tôt le matin du 6 janvier 1948.

Les vents dominants et les délais de déplacements font-ils de lui un une explication possible pour l’ovni de Mantell ? Oui, vents et délais sont compatibles.

Les déplacements de l’ovni sont-ils incompatibles avec ceux d’un ballon-sonde ? En aucune façon…
De ce raisonnement, la conclusion s’impose d’elle-même : probabilité extrêmement élevée pour que l’ovni du 7 janvier 1948 ait été un ballon-sonde de type Skyhook. C’est aussi simple que ça.
Maintenant que ce petit rappel néanmoins important est effectué, nous pouvons discuter.
L’analyse de Cel est intéressante et a dû lui demander beaucoup de travail. Elle se tient. Ou plus exactement, se tiendrait.
Car malheureusement, ses fondations sont minées par une faille encore plus béante que celle qui a causé la perte du Titanic.
En effet, elle ne tient pas compte de
tous les témoignages crédibles, contrairement à l’hypothèse du ballon-sonde. Elle ne prend en considération que les descriptions concordantes de l’ovni évoquant un cône de crème glacée renversé, et laisse de côté les récits divergents. C’est une faute méthodologique grave.
Alors que l’hypothèse du ballon-sonde repose justement sur ces divergences. En effet, on notera que les descriptions concordantes émanent de personnes ayant observé l’ovni d’un même endroit ou d’un endroit très proche (la tour de contrôle de Godman AFB par exemple). En revanche, dès que les observateurs voient l’ovni sous un autre angle, les descriptions sont différentes.
Cette particularité est typique d’un reflet.
Or, les deux hommes qui ont approché le plus près de l’ovni, le capitaine Mantell et le lieutenant Clements, l’ont décrit explicitement comme étant un reflet :
Thomas Mantell a écrit:
Cela semble être un objet métallique ou probablement une réflexion du soleil sur un objet métallique
Il est évident qu’un reflet dont la taille et la forme varient considérablement d’un point de vue à un autre, et qui est généralement plus grand que l’objet dont il provient, ôte toute valeur objective aux estimations de taille quelles qu’elles soient, déjà très approximatives en elles-mêmes. Par conséquent, il y a de très grandes chances pour que l’estimation du colonel Hix soit complètement fausse, puisqu’elle se rapporte au reflet de l’ovni et non à l’ovni lui-même. Si c’est le cas, alors l’évaluation de la distance de l’objet :
Cel a écrit:
Analyse :
L'objet étant un cône, sa longueur est donc définie par l'angle sous lequel on voit la lune, cela donne 0,5 cm à 70 cm de l'oeil (c'est à dire qu'à bout de bras, pouce levé, le cône a une longueur d'un demi centimètre)
S'il s'agit d'un ballon sonde classique (30-45 m avec la queue de traîne) un rapide calcul (Théorême de Thalès) montre qu'il ne se trouve pas à plus de 6,5 km des observateurs au sol.
est tout aussi inexacte. Et l’ensemble du raisonnement qui suit est donc caduc.
Il va de soi qu’un raisonnement caduc ne saurait remettre en cause la validité de l’hypothèse du ballon-sonde.
Je pourrais m’arrêter là.
Mais j’aime les détails. Alors poursuivons.
Citation:
Un ballon-sonde ordinaire a un diamètre de 20-30 m et donc un allongement pouvant aller jusqu'à 45 mètres.
Les super ballon-sonde Skyhook ont un diamètre qui a atteint, pour certains modèles, 90 m de diamètre pour une longueur totale de 130 m.
Je serais curieux de voir d’où proviennent ces informations. Toutes mes sources attribuent aux ballons-sondes Skyhook, considérés comme des mastodontes, un diamètre maximal de 100 pieds (30 mètres), ce qui est déjà colossal. L’immense majorité des ballons-sondes ordinaires sont de tailles beaucoup plus réduites.
Citation:
Les vents les plus rapides (hors tornades et ouragans) soufflent dans le jet stream : courant transversal de haute altitude (entre 10 et 15 km). la vitesse des vents y est au minimum de 150 km/h. Plus communément, ces courants sont de l'ordre de 200 à 300 km/h.
Exact, mais il s’agit de moyennes. Le lien mentionné par Homme curieux fait quant à lui état de vitesses maximales de l’ordre de 400 nœuds, soit environ 700 km/h.
Citation:
Prenant en compte la prise au vent d'un ballon sonde, la vitesse théorique maximale d'un tel objet est de l'ordre de 250 km/h.
Si l’on admet que le jet stream ne dépasse pas 300 km/h, sans doute. Mais on a vu ce qu’il en était réellement de la vitesse maximale de tels courants d’air. Et dans ce cas précis, la prise au vent de ballons aussi gros que les Skyhook serait plutôt de nature à aggraver le problème.
Citation:
Un ballon-sonde n'est donc :
- Ni capable de distancer un avion de chasse même de la seconde guerre mondiale (exemple type : P51 Mustang : vitesse de croisière 650 km/h, vitesse ascensionnelle supérieure à 75 m/s)
Nulle part il n’est mentionné que l’ovni a distancé les F-51.
En outre, gardons à l’esprit que la vitesse maxi de 650 km/h est celle d’un appareil neuf ou bien entretenu volant en palier. Or, les F-51 impliqués dans l’incident du 7 janvier 1948 appartenaient à la Garde Nationale Aérienne, c’est-à-dire à la réserve de l’US Air Force. Son rebut, pour parler crûment. Il y a fort à parier qu’il s’agissait d’appareils ayant derrière eux une longue carrière opérationnelle, donc passablement usés (le matériel militaire s’use très vite en opérations, et pas forcément du fait de l’ennemi) et insuffisamment performants pour rester en dotation dans les unités d’active. De plus, leur entretien était vraisemblablement aux standards de la réserve, c’est-à-dire insuffisant voire mauvais.
Citation:
- Ni capable d'accélérations foudroyantes.
Où ceci est-il écrit ? Ah oui, c’est vrai, ici :
Citation:
Un des pilotes annonce que l'objet vient de disparaître dans les nuages après selon certaines sources une accélération effarante
Tout le problème est là : selon
certaines sources. Mais on ne les mentionne pas. Et aucun des documents d’époque que j’ai pu consulter ne mentionnent un tel fait. Il y a là matière à douter très sérieusement de sa véracité.
Citation:
- Ni capable d'oscillations entre la haute et la basse atmosphère
Là encore, personne n’a jamais évoqué ceci, ni moi ni les témoins. Ces derniers ont en revanche décrit le fait suivant :
Citation:
tous les militaires le voient osciller lentement
où il n’est nullement question de haute ou de basse atmosphère. De plus, le jet stream est justement connu pour être un courant d’air oscillatoire : il monte et descend dans le plan vertical. Ces courants ascendants sont parfaitement susceptibles d’altérer la trajectoire d’un ballon-sonde au point de donner l’impression qu’il oscille.
Citation:
Le colonel Hix observe l'objet sous la forme d'un "parapluie", sa taille apparente est celle d'une moitié de lune. Il mentionne la bande tournante vue par Duesler.
Attention, l’estimation du colonel Hix (qui est de toute façon fausse puisque vraisemblablement faite à partir d’un reflet) prête ici à confusion : parle-t-il d’une « demi-lune » (30' de taille angulaire, puisque le diamètre est le même que celui de la lune), ou bien d’une taille angulaire « de la moitié de celle de la lune » (soit 0,25°, c'est-à-dire 15') ?
Et Hix ne parle pas d’une bande tournante, mais d’une simple bande de couleur rose. Précisons aussi que le capitaine Duesler n’a révélé son témoignage qu’en 1997, soit suffisamment longtemps après les faits pour qu’il soit complètement déformé par les années et influencé par les autres récits.
Citation:
La dernière déclaration de Mantell à la tour : "Juste devant moi et légèrement au-dessus, et se déplace maintenant à ma vitesse environ ou plus. J'essaie de me rapprocher pour avoir une meilleure vision"
analyse :
Mantell a, à cet instant là, rattrapé l'engin, et en altitude, et en distance.
Alors pourquoi dit-il qu’il va encore tenter de s’en rapprocher ? Il ne devrait pas en avoir besoin en l’ayant rattrapé en altitude comme en distance… L’interprétation est en contradiction flagrante avec les faits.
Citation:
A contrario, cette dernière déclaration infirme la thèse d'un super ballon sonde (type Skyhook) en haute altitude (supérieure à 10 km) car elle créerait un paradoxe de parallaxe : n'ayant grimpé que de 2 kilomètres, le pilote évoque un amoindrissement notable de l'ascension verticale de l'objet, or un objet situé à plus de 10 km d'altitude demeurerait dans une ascension élevée (haut dans le ciel).
Plus précisément le pilote dit ceci : « Juste devant moi et légèrement au-dessus ». Or rien n’indique qu’il parle davantage de la diminution de la hauteur angulaire plutôt que d’une simple réduction de la distance entre son appareil et l’ovni. Distance d’autant plus trompeuse que le pilote a vu un reflet,
ce qu’il a dit lui-même.
On peut tout aussi bien interpréter ses propos de la manière suivante : « juste devant moi » = en avant de moi à la verticale de mon avion (d’autant plus qu’il ne vole pas en palier à ce moment là, mais qu’il grimpe, l’ovni est donc d’autant plus haut dans le ciel !) ; « légèrement au-dessus » = il semble plus proche.
Ou autre chose encore. Mantell ne l’a pas précisé, et n’en a hélas jamais eu l’occasion. Personne d’autre n’était là pour confirmer ce qu’il en était. Donc abstenons-nous de lui faire dire ce qu’il n’a pas dit, dans un sens comme dans l’autre.
Citation:
"accélération effarante" et "se déplace à ma vitesse environ ou plus" sont, en référence à la partie 1, des phrases définitivement incompatibles avec l'hypothèse du ballon sonde dans le contexte : le pilote se déplace à 650 km/h en vitesse de rapprochement.
Ce n’est écrit nulle part. Visiblement cette estimation se base sur les performances théoriques du F-51 en palier, dont on a vu qu’elles étaient à relativiser de manière considérable pour des appareils mis en œuvre par la Garde Nationale.
De plus, il faut garder à l’esprit que la plupart du temps les avions de Mantell et de ses ailiers ont volé en ascension, et non en palier. Or, un avion qui prend de la vitesse ascensionnelle perd nécessairement en vitesse de translation, car il doit dépenser de l’énergie pour cela, énergie qu’il ne consacre pas à voler horizontalement. Alors qu’un ballon poussé par les vents violents de la haute atmosphère n’est aucunement soumis à ce problème, puisque l’air lui fournit une énergie illimitée alors que l’avion est limité par la puissance de son moteur. Puissance qui tend à diminuer à mesure de la raréfaction de l’oxygène en altitude, et ce même pour un appareil équipé de compresseurs comme le F-51. En somme, tout concourt à montrer que la vitesse des Mustangs impliqués ce jour là était beaucoup moins importante qu’on pourrait le penser.
Dans ces conditions, quoi d’étonnant à ce qu’un ballon-sonde de grande taille, poussé par des vents violents de haute altitude, ait pu voler aussi vite qu’eux ? Objectivement, pas grand-chose.
Citation:
Elles le sont davantage encore dans l'hypothèse d'un ballon Skyhook d'autant éloigné, donc dont la vitesse apparente estimée par le pilote, traduirait une vitesse réelle suréaliste !
Ce serait effectivement le cas si cette estimation avait été réalisée à partir d’un point fixe. Or ce n’est pas le cas… Mantell a estimé la vitesse de l’ovni à partir de celle de son avion, et a évoqué une allure comparable ou légèrement supérieure à la sienne. Rien de bien sensationnel compte tenu de ce qui vient d’être dit.
Citation:
La thèse du ballon-sonde dans ce dossier apparait clairement, en référence aux commentaires cités, comme une thèse fantaisiste sans fondement technique.
Hélas, j’ai bien peur que ce soit la réfutation dont cette phrase est extraite qui soit dépourvue de fondements techniques sérieux.
J’aimerais conclure par quelques remarques à caractère général.
Tous les ufologues sérieux qui ont enquêté sur l’affaire Mantell en sont arrivés à la conclusion qui l’hypothèse du ballon-sonde était probablement la bonne. Ed Ruppelt a été le premier à le faire dès 1952. Puis sont venus Kevin Randle, Robert Todd et une demi-douzaine d’autres chercheurs renommés. Même le CUFOS créé par Allen Hynek, qui n’a pourtant rien d’une association de sceptiques, considère le cas Mantell comme expliqué et classé. Pourquoi continuer à nier l’évidence comme si l’utilité même de l’ufologie dépendait de ce seul cas ?
Alors qu’il y a des dizaines de témoignages qui ont été expliqués abusivement par l’US Air Force comme étant des ballons-sondes. Le capitaine Gregory, chef du projet Blue Book de 1956 à 1958, considérait que tout ovni
devait recevoir une explication triviale quelle que fut son invraisemblance, et ne cherchait même pas à s’en cacher. Ces dossiers attendent gentiment que l’on daigne enfin se pencher sérieusement sur eux. Ils sont certes beaucoup moins spectaculaires que la mort du capitaine Mantell, mais sont-ils pour autant moins significatifs ?
Pourquoi, dans certains milieux ufologiques, parle-t-on toujours du cas Mantell qui est expliqué, alors qu’on ne fait jamais mention ou presque de celui de Fukuoka (15 octobre 1948) qui n’a pourtant jamais été élucidé ? Ce n’est pourtant que par l’épuration de sa propre casuistique que l’ufologie pourra montrer son sérieux.
EDIT : j'ai failli oublier de citer mes sources... ce sont
exactement les mêmes que Cel !