Bonjour à tous,
Afin de rebondir sur les divers posts depuis que ce forum est lancé, je vous fais part de quelques expériences terrain concernant l’empathie :
Les limites de l’empathie ou ‘’jusqu’où ne pas aller’’ :
Je travaille depuis plusieurs années auprès de personnes psychologiquement fragiles (sans être assistant social).
Au début de ma carrière, je n’ai pas eu de mal à gérer la relation, davantage porté par l’intérêt, l’affection ou tout simplement le désir d’être utile aux personnes qui me sollicitaient.
Tout récemment, j’ai été appelé à me réinvestir dans le domaine social et après plusieurs mois, je me suis rendu compte que j’étais devenu perméable dans le temps, c'est-à-dire que le face à face avec l’individu ne me gênait aucunement mais un malaise semblait s’instaurer, voire perdurer au fil du temps par rapport à la totalité des accompagnements.
Après avoir suivi tout récemment un séminaire RH (Ressources Humaines), j’en ai déduit que ce qui restait et me phagocytait le moral, n’était autre que les résidus psychiques laissés par le groupe, le collectif.
Cette seule prise de conscience a été mon détonateur et un lacher-prise a immédiatement suivi.
Un détail qui peut avoir son importance : parmi nos interlocuteurs doté d’un problème psychologique, certains d’entre eux peuvent consciemment ou non chercher à nous manipuler et il existe réellement des pervers sur le plan psychologique. Ce sont ces derniers qui pompent l’énergie, nous épuisent en nous amenant dans leurs labyrinthes, leurs impasses et c’est un jeu perpétuel du chat et de la souris.
Ce sont eux qu’il faut identifier avant tout pour garder suffisamment de distance et rester efficace dans la relation. Il m’est arrivé de tomber dans le même panneau avec mes propres amis dont certains sont passés par divers états : dépression, cyclothymie, pessimisme récurent etc...
Un petit mot pour Masterk : J’ai accompagné durant 4 ans des personnes en fin de vie dans le département gériatrie d’un grand hôpital. Auparavant, j’ai suivi un stage d’accompagnement des mourants où nous avons été reçu à tour de rôle par des psychologues. 1° Sans leur ‘’go’’, impossible de faire partie du séminaire. L’un d’entre eux nous suivait sur le séminaire. 2°, il a fallu d’abord que nous réglions nos propres deuils avant de pouvoir aider quiconque. 3°, l’accompagnement se situe particulièrement au niveau de l’écoute (nous n’avons aucun conseil à donner à qui que ce soit). 4° Un pôle d’écoute au sein de l’hôpital nous était également destiné : c’était notre lieu de parole quand on sentait que l’on commençait à être submergée par une empathie qui n’avait plus sa place et nous renvoyait à notre histoire personnelle (retour à la case départ…).
Et pour terminer : la grande majorité des personnes âgées sont toutes mortes en mon absence… ultime délicatesse de leur part….
A titre personnel et non plus professionnel, il m’est arrivé de me retrouver dans 2 situations d’aide vis-à-vis de personnes qui avaient vécu de lourds traumas. J’ai donc personnellement un don d’empathie et jusqu’à ce jour, je n’en connaissais pas les limites. Après un travail d’écoute sur plusieurs mois et frôlant de plus en plus le transfert de la névrose de Mlle X, j’ai senti un grand froid se communiquer jusque dans mes os et provoquant des tremblements incontrôlables. Aussitôt, une voix intérieure a crié (pour ne pas dire gueulé) dans mon for intérieur : ‘’Arrête TOUT !!!’’.
J’ai donc tout arrêté ainsi que mon écoute vis-à-vis de cette personne qui a continué pendant quelques temps à me harceler par téléphone.
Pour le 2° cas, appelons là Mme Y., cette dernière m’a raconté tout ce qu’elle a subi sur de longues années. Après m’avoir fait part de l’un de ses rêves, j’ai voulu lui en remettre une des clefs qui me paraissait lourde de signification. Dès que nous nous sommes retrouvés face à face, son collier qui ne la quittait pas auquel étaient accrochées des médailles qui avaient valeur de protection, s’ouvrit subitement et les médailles volèrent tout autour de nous. Surprise générale, nous étions au restaurant et aussi ébahis l’un que l’autre. Bref, elle me laissa parler puis peu après refusa de continuer le travail amorcé ensemble sur une longue période. J’avais également noté que le phénomène du ‘’grand froid’’ s’était également manifesté en moi lorsque je m’approchais de plus en plus du centre de son trauma.
En fait, ces 2 personnes se complaisaient toutes 2 dans ce qui était devenu pour elles leur raison d’être et l’avertissement reçu est devenu, depuis, mon garde-fou…
Après cette longue digression (avec toutes mes excuses), je voudrais revenir à l’origine de ce débat, soit :
‘’Lecture dans un regard’’ lancé par Pitite.
Je rejoins plusieurs d’entre vous, pour moi aussi ‘’les yeux sont le reflet de l’âme’’. Je m’appuierai en cela sur un détail sordide mais qui va dans ce sens : lors de la dernière guerre mondiale il était expressément conseillé aux soldats allemands qui ‘’liquidaient’’ les prisonniers en leur tirant dessus, de ne pas regarder leurs victimes dans les yeux…
De mon côté, j’ai toujours eu un fort intérêt pour les photos anciennes trouvées au hasard de mes pérégrinations. J’en possède des centaines. Pendant plusieurs années, je m’en suis servi de ce support pour plonger dans une époque sans autre but particulier, sinon mon amour pour l’histoire.
Au fil des ans, je me suis rendu compte que j’avais développé une forme d’empathie avec certaines photos comme si j’étais happé par des visages, des regards ou une vibration particulière ?? Non seulement par le biais de ma collection de photos mais également par celui d’internet, de la TV, des médaillons sur les tombes des cimetières, de photos trouvées au hasard de mes lectures etc…
Lorsque je retrouvais le nom de certains personnages, je me suis intéressé à leur parcours en me procurant leur biographie puis j’ai été renvoyé alors à des problématiques liées soit à leur pays soit à une prise de conscience.
Pour d’autres encore, je me suis senti enveloppé de leur chaleur (je n’ose dire de leur amour car trop subjectif) et, depuis, ils sont devenus mes guides : Kalou Rimpotché pour ne pas le nommer.
J’ai constaté qu’il n’y avait aucune barrière de races, de religion et qu’un ‘’mauvais choix’’’ de leur part (soit politique, soit idéologique) passé au filtre de l’histoire et de notre époque ne remettait en cause notre lien. C’est ainsi que depuis je navigue dans l’histoire et dans une sorte de géo-politique avec un regard neuf. Et cela m’a permis aussi de régler bon nombre de problèmes personnels en puisant dans un héritage qui ne demandait qu’à se transmettre.
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