Alecto a écrit:
il vous manque Philia, l'amour inconditionnel de l'autre, autant amitié qu'amour, l'amour qu'Aristote définie dans l'éthique à Nicomaque comme étant d'aimer quelqu'un pour ce qu'il est.
De mémoire (et je ne suis pas du tout un spécialiste de la philosophie grecque), il me semblait que philia est l'affection qu'on tient à une personne, qu'il s'agisse d'un(e) amant(e) ou d'un(e) ami(e). Le fait qu'on apprécie sa compagnie et sa personnalité, et qu'on souhaite son bonheur. Mais ce n'est pas de l'amour...
C'est donc effectivement un troisième type de relation, en plus de éros (amour charnel, sexué, "aristotélicien") et d'agapē (amour "spirituel", plus platonique).
William Lee a écrit:
Et si l'amour n'était qu'un bête échange chimique de phéromones entre mammifères cherchant à perpétuer leur espèce? Et qu'on avait inventé tout une poésie et un tas de jolies histoires autour pour tenter d'oublier que nous ne sommes finalement que des bêtes en rut cherchant en réalité non pas l'âme soeur, mais le reproducteur idéal avec qui transmettre ses gênes...?
(Humeur pas romantique aujourd'hui, je m'interroge: suis-je si différent d'un animal? Tomberai-je amoureux d'une fille parce qu'elle est mon âme soeur ou parce que ses hanches larges et sa poitrine lourde m'envoient un signal de fertilité et de disponibilité utérine...?

)
Réflexion pertinente mais je crois qu'elle est trop caricaturale pour refléter entièrement la réalité.
L'être humain est un animal, certes, mais ce n'est pas
n'importe quel animal :
- le comportement des animaux est entièrement dicté par leurs pulsions, ce n'est pas le cas de l'Homme chez lequel les conventions sociales et l'intellect jouent un rôle au moins aussi important.
- l'homme est un être doué de sensibilité (enfin, la plupart du temps...

) ; du moins cette faculté est plus développée que chez que n'importe quelle autre créature du monde vivant. Aucun animal ne va s'extasier devant une œuvre d'art, ni ressentir le Beauté au fond de ses tripes.
C'est pour cette raison, je pense, qu'on aurait tort de crier bien vite que l'Amour n'existe pas et qu'il ne s'agit que d'un bel enrobage pour mieux faire accepter notre part d'animalité et nos pulsions de procréation.
Le fond du problème se situe – à mon avis – sur le fait que le mot "amour" est utilisé à tort et à travers, ce qui a contribué à en galvauder le sens et à le dissimuler.
Ainsi, toujours à titre personnel, je suis persuadé que la plupart des couples ne sont pas
vraiment amoureux, et ce même s'ils iront jurer mordicus du contraire. S'ils sont ensembles, c'est principalement (1) pour des raisons de conventions sociales (parce qu'à partir d'un certaine âge, la société considère qu'il est "anormal" de ne pas avoir de compagnon/compagne, puis un peu plus tard, qu'il est "anormal" de ne pas avoir de famille), et (2) parce que l'horloge biologique commençaient à les titiller et à leur rappeler leur besoin de s'accoupler et/ou d'avoir un enfant. L'affinité et la connivence entre les personnes et leurs caractère est tout à fait secondaire.
C'est un phénomène très visible (parfois de façon caricaturale...) chez les trentenaires passés, qui cherchent à tout prix à trouver l'homme ou la femme avec lequel fonder une famille. Ils se rencontrent, et quelques mois à peine après ils sont mariés et le bébé est déjà en route. Je doute qu'on puisse vraiment apprendre à connaître quelqu'un en 6 mois, et il faut sûrement beaucoup de chance pour rencontrer l'Amour de cette façon.
Et après, on s'étonne que la moitié des mariages finissent en divorce...
Amélie_mélo : sinon, en ce qui concerne ta question de base : je ne crois pas en l'âme sœur unique et absolue. D'une part parce que ça ne correspond pas aux quelques convictions que je porte ; et d'autre part, parce que je ne trouve pas que ce soit une conception très bonne ni très "saine"... mais j'y reviendrai un peu plus bas.
Je n'ai jamais considéré aucune des personnes que j'ai aimé comme étant l'âme sœur unique et absolue tant attendue. Je ne suis pas assez présomptueux pour savoir si une relation va durer "toute la vie" ou si l'amour sera "éternel" - qui peut savoir comment les choses se passent, comment les gens évoluent avec le temps ?
Cela dit, garder les pieds sur terre ne m'a pas empêché d'être sincèrement épris de ces personnes. Ce sont deux choses bien distinctes.
Je dirais donc que je crois en l'Amour, parce que je l'ai vécu
(et parce que je suis un grand naïf...) et en
des âme
s sœur
s - autant qu'il y a de relations amoureuses sincères.
Plus le temps passe, plus je me dis que l'amour est un peu comme le bonheur : c'est avant tout un état d'esprit, une façon d'envisager les choses... Et ça se cultive.
Cela demande d'être bien dans sa tête, pour ne pas projeter ses névroses sur l'autre. Il faut beaucoup d'affection et de compassion pour passer sur les défauts et les travers de sa compagne et admettre qu'elle n'est pas une princesse de conte de fées, mais "juste" un être humain. Il faut également savoir apprécier les petits moments du quotidien qu'on passe avec elle, pour réaliser ce qu'elle nous apporte et garder en tête que rien n'est jamais acquis... L'amour, c'est très
zen finalement.
... Le dernier aspect que je cite ci-dessus est un point important, à mon sens : la liberté et l'impermanence. Il faut assimiler l'idée que la personne puisse aller voir ailleurs si elle ne trouve plus chez nous ce que nous devrions lui apporter ; ainsi, on apprend à se réinventer sans cesse, à entretenir la relation, à la nourrir de petites attentions... Pour "mériter" d'être avec cette personne.
C'est là que le concept d'âmes sœurs me gène, puisqu'il introduit une notion d'absolu : quoi qu'elles fassent, les deux personnes sont liées l'une à l'autre, il est inéluctable qu'elles se retrouvent. Pourquoi faire des efforts, dans ce cas-là ?