Bonjour (ou bonsoir) mancellon
Pour faire un film sur Jésus la seule source sont les Évangiles, textes composites, pleins d’anomalies, d’invraisemblances, de contradictions (j’ai une très longue liste), textes imbibés de symboles, ambigus et parfois même opaque. On est donc obligé de choisir des options pour raconter quelque chose qui se tienne en respectant plus ou moins les interprétations fournies par les chrétiens.
À chacun son Jésus. Mais on nous répète toujours que son message essentiel est celui de l’amour du prochain, en oubliant de signaler que c’est la reprise de ce qui est déjà dit en Lévitique 19, 18, le prochain étant (même avec Jésus) le proche, c’est à dire le coreligionnaire ou le converti au judaïsme !
Même ce qui est dit sur l’amour des ennemis n’est en rien original.
Voici quelques citations tirées d'écrits antérieurs aux Évangiles: « Ne dites point: Je rendrai le mal.» (Proverbes 20, 22) « Je ne rendrai à personne la rétribution du mal: c'est par le bien que je poursuivrai un chacun; car c'est auprès de Dieu qu'est le jugement de tout vivant, et c'est Lui qui paiera à chacun sa rétribution. » (Règle de la communauté 10, 17-18; voir aussi Testament de Gad 6, 7) « Si quelqu'un cherche à vous nuire, vous, en faisant le bien, priez pour lui, et vous serez libérés de tout mal par le Seigneur. » (Testament de Joseph 18, 2; voir aussi Testament de Benjamin 4, 2-3 et Testament de Gad 5, 5). Les Lois de Manu, un des livres sacré de l'Inde brahmanique rédigé avant notre ère, disait: « La résignation, l'action de rendre le bien pour le mal, la tempérance, la probité, la pureté, la répressions des sens, la connaissance des Sastrâs, celle de l'Âme suprême, la véracité et l'abstinence de la colère; telles sont les dix vertus en quoi consiste le devoir. » (livre VI, sloca 51). Platon écrivait : « Il ne faut donc ni répondre à l'injustice par l'injustice, ni faire tort à personne quoi qu'on en subisse. » (Criton 49 b-c) Et au milieu du premier siècle, Épictète (qui n'était pas chrétien) aurait dit: « Car voici une bien belle chose, inséparable du Cynique; il ne saurait éviter d'être battu, comme on bat un âne, et il faut que battu il aime ceux mêmes qui le battent, parce qu'il est le père et le frère de tous les hommes.» (Entretiens d'Épictète, 63)
La bonne nouvelle annoncée par Jésus n’est pas la naissance d’une nouvelle religion, elle concerne l'imminence de la fin des temps (répétée plusieurs fois). Sans cette perspective eschatologique à court terme on ne comprend rien à ce qui est écrit. On ne voit pas que les consignes données sont une morale d'extrême urgence pour échapper à la colère divine qui vient. Il faut à tout prix rester pur face au mal, ne pas se laisser contaminer. Donc ne pas se venger (Dieu va s'en charger, le Jour du Jugement est proche), tendre la joue à qui frappe (référence à Lamentations 3, 30) et même aimer l'ennemi. Cette dernière invitation qui passe pour le summum du message de Jésus (ignoré par Marc et Jean !) est à rapprocher d'une consigne qu'on oublie volontiers, celle de "haïr ses parents" (Luc 14, 26) ; dans les deux cas il s'agit d'hébraïsmes ("aimer" c'est ne pas faire de mal, comme "haïr" c'est ne pas être préféré).
Quant à laisser la place au doute, vous avez raison. Reste à savoir sur quoi on l’applique. Sur le dossier Jésus, tel qu’il est présenté depuis des siècles, il existe de bonnes raisons pour douter. Prosper Alfaric (1876-1955), ancien prêtre, devenu professeur d’histoire des religions à la Faculté de Strasbourg, confiait dans une conférence donnée en 1932 :
« Quand j’ai entendu parler pour la première fois de gens qui soutenaient que Jésus n’a peut-être vécu que dans l’imagination des croyants, je n’ai vu là qu’une de ces extravagances auxquelles l’abus de la critique peut quelquefois conduire. L’idée me semblait folle. Quand je l’ai étudiée de plus près, je ne l’ai plus trouvée tellement absurde. J’ai dû convenir qu’elle offrait quelque apparence de vérité. J’en suis bientôt venu à reconnaître qu’elle offrait bien plus de vraisemblance que la thèse contraire. »
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Bonjour (ou bonsoir) Danae,
au sujet de l’hypothèse “selon laquelle Jésus était un Zélote”.
Les rédacteurs des Évangiles (les “inventeurs” de Jésus qui ne mentaient pas puisqu’ils prévoyaient un Messie à venir) ne peuvent pas être de milieu zélote puisque les propos attribués à leur personnage principal sont très loin d’un appel aux armes.
Si leur Jésus annonce la destruction de Jérusalem c’est simplement par référence à plusieurs prophètes dont par exemple (pour faire court) Jérémie 9, 10:
« Je ferai de Jérusalem un monceau de ruines… »
S’il parle de feu et de glaive c’est à cause de d’Isaïe 66, 16 :
« Car l’Éternel exercera jugement contre toute chair par le feu et avec son épée… »
S’il dit :
« … je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemi les gens de sa maison. » Matthieu 10, 35-36 (et Luc 12, 51-53).
… c’est à cause de Michée 7, 6:
« … le fils outrage le père, la fille se soulève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère ; chacun a pour ennemi les gens de sa maison. »
On peut ainsi retrouver toutes les sources des Évangiles dans les textes antérieurs, parfois au mot à mot, parfois en retrouvant les modèles, les motifs d’inspiration ou les raisons du scénario choisi.
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