Nous sommes le Sam Juin 28, 2025 17:06


Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1 message ] 
Auteur Message
 Sujet du message: Pour les fans de Michael Connelly
MessagePosté: Mer Juillet 20, 2005 16:16 
Hors ligne
Modératrice
Avatar de l’utilisateur

Inscription: Jeu Août 07, 2003 12:00
Messages: 2744
Localisation: Sous-sol du FBI, Washington
" Chaque semaine, un auteur de polar nous emmène sur le territoire de ses romans. C'est parti pour un rodéo en voiture de flics sur les traces de Hieronymus Bosch, le héros des livres de Michael Connelly. On voulait que l'écrivain nous montre l'envers du décor hollywoodien, on était servi : nous étions en plein hold-up. Mais comment tout cela allait-il finir ?

Quand on avait proposé à Michael Connelly de marcher sur les traces de Hieronymus Bosch - « Harry » pour les intimes, héros de onze de ses romans -, il avait dit banco, avant d'ajouter que « rouler serait mieux. On pourrait faire ça de nuit, avec une patrouille de flics ». Et Dieu sait si on roulait, en cette belle soirée de juin. A fond de train sur Hollywood Boulevard, alternant zigzags et coups de frein, le joli macaron du Los Angeles Police Department - « Protéger et servir » - flanqué sur la portière blindée. Manquait plus que le saint Christophe.

Comme dit Hieronymus, « dans chaque meurtre, c'est une ville qui se dit ». Et sa ville, à Harry, c'est Los Angeles. En particulier Hollywood, fantasme collectif mais « caniveau », pour les flics, qui sent, suinte et suppure L.A. : « Ici, c'est le territoire de Bosch, loin des éblouissements du Strip et des quartiers chics, explique Connelly. Le "boulevard des rêves" [Hollywood Boulevard, NDLR] cesse de faire rêver dès qu'on y pose le pied. Les flics en savent quelque chose, eux qui se tapent l'envers du décor, les poubelles de la vie quand la fête est finie. C'est ce réalisme-là que j'essaie de traduire dans mes livres. » En retrouvant l'auteur du Poète dans les salons de l'hôtel Chateau Marmont, l'après-midi, on l'avait un peu chambré sur son choix. Le Chateau, ce serait pas un peu rupin, pour Bosch ? « Détrompez-vous : c'est ici que l'acteur John Belushi a fait son overdose et, il n'y a pas si longtemps, on a découvert le corps d'une jeune femme dans un buisson du jardin. Elle était là depuis plusieurs jours. Est-elle tombée ? L'a-t-on poussée d'un balcon ? Essayait-elle de cambrioler une suite ou voulait-elle juste s'amuser ? C'est un boulot taillé pour Harry. »

Le boulot de Michael, 49 ans, c'est de tout savoir sur les flics de L.A. : les manies, les expressions, l'officiel, l'officieux, le public et le privé - tout. Pour cela, il a ses antennes. L'une d'entre elles est le sergent McDonald, dix-sept ans de service au LAPD (Los Angeles Police Department), conseiller en argot policier et as du volant - c'est heureux - de notre intrépide échappée. Le sergent McDo terminait son topo sur les mérites comparés des « cartouches chaussettes » (aux effets « moins que mortels » [sic] et des balles classiques pour fusils à pompe (« elles font très mal, celles-là »), quand le talkie-walkie s'est mis à crachoter « Code 211 ! ». Finie la théorie, tout le monde sur le parking du commissariat. « 211, c'est un cambriolage ? » avait demandé Connelly en s'engouffrant dans la voiture. « Avec prise d'otages, a répondu l'autre : faut mettre les gaz. »

Le territoire de Bosch, on l'a donc vu en accéléré. Musso and Franks (un de ses restos fétiches) est passé dans un reflet, comme le cimetière de Hollywood, où feu Bugsy Siegel, l'« inventeur » de Las Vegas, repose sous l'inscription cocasse : « In loving memory from the family ». On a souvenance d'un étroit portique de Lavomatic traversé à l'apache pour éviter un stop, et de Connelly placide comme un panda à la place du mort pendant qu'on faisait la boule de flipper sur la banquette arrière. Hollywood, Connelly connaît bien pour y avoir bivouaqué comme journaliste - il travaillait alors aux affaires criminelles du Los Angeles Times - pendant les fameuses émeutes de 1992, après le tabassage de Rodney King. Quant à Bosch, c'est son jardin, même s'il habite plus haut, sur la colline, dans un des petits chalets construits dans les années 30 en surplomb des studios Universal : « Un bon conseil, confiera Connelly lorsque nous enfilerons les lacets de Woodrow Wilson Avenue vers la maison imaginaire de Bosch : si vous voulez créer un personnage qui se pose des tas de questions et sent le sol se dérober sous ses pieds, faites-le habiter dans une maison sur pilotis, si possible bâtie sur terrain friable. » C'est là, dans une de ces bicoques bancales, que, le soir venu, une mousse à la main, Harry prend la mesure de Los Angeles, cette grosse crasseuse qu'il n'arrive pas à détester. Les mains dans les poches, les yeux plissés face à la vallée nimbée de smog, Michael Connelly semble l'imiter. Mais Connelly n'est pas Bosch : il boit du Coca, Harry carbure à la bière ; il dit préférer les soirées en famille aux sorties nocturnes, Harry est noctambule et insomniaque. La connexion est ailleurs : dans la façon de voir la vie. «&nsbp;Bosch et moi, on a ça en commun, reconnaît l'auteur du Dernier Coyote. Moralement, il pratique une espèce de «&nsbp;cynisme non dénué d'espoir », ce qui est aussi mon cas. J'aime son credo - "Tout le monde est important, personne ne l'est vraiment" - et son sens moral, son souci de ne jamais laisser les victimes et leurs familles disparaître dans l'oubli. Quand j'étais journaliste aux affaires criminelles du L.A. Times, je faisais des fiches sur les victimes de meurtres, et je demandais régulièrement aux flics où en était l'enquête, si on n'avait pas enterré l'affaire. L'humanité des flics, ou ce qu'il en reste quand on voit l'horreur quotidiennement, c'est ce que je recherche chez les gars du LAPD. Bosch n'en manque pas. »

Les flics du LAPD apprécient. Connelly ne les ménage pas, mais n'en fait pas des salauds. L'inspecteur Shamlyan, qu'on est allé déranger à son bureau, au premier étage du commissariat de Hollywood, se reconnaît en eux. Avec son costard fatigué, sa calvitie précoce et son air bonhomme, on dirait Edgar, le partenaire de Harry dans Les Egouts de Los Angeles : « J'ai lu pas mal de vos livres, déclare-t-il à l'auteur, et je ne connais pas beaucoup d'écrivains capables de raconter ma vie, mon boulot, aussi bien que vous. Bosch a une vie affective pourrie et fait passer son métier avant tout le reste, alors que moi, c'est les gosses d'abord et la police après, mais à part ça, tout y est. » Plus tard, le « père » de Bosch avouera : « Faire la une de la New York Review of books avec un polar, ça fait vachement plaisir. Mais s'entendre dire par un inspecteur que ce que je raconte est juste, ça n'a pas de prix. »

Coller au macadam, traquer le « cancer sous la peau » de la Cité des anges, voilà le pari de Connelly. L'envie lui est venue en lisant Chandler - un de ses auteurs préférés - pendant ses années d'études en Floride, mais c'est comme journaliste, collé des nuits entières aux basques des poulets, qu'il a engrangé du biscuit et affiné cette plume froide et presque « neutre », désenchantée, qui court dans toute son oeuvre. Toute la matinée, nous sillonnerons Los Angeles au hasard des lieux décrits et des pages lues, comme dans un noir jeu de l'oie. On visitera les abords de tunnels squattés, graffités et jonchés de matelas et de bouteilles vides, bouches sombres vers les intestins de la ville. On montera sur les hauteurs de L.A. pour observer le réservoir où commence Les Egouts de Los Angeles, avant de dégringoler jusqu'à Skid Row, ville dans la ville, empilement de cartons et de sans-abri, où Bosch tente de retrouver le père de la victime dans Deuil interdit.

Splendeur et misère enchevêtrées, ruisseaux où se noie Harry. La question brûle les lèvres : qui se rapproche le plus de la vérité pour élucider Los Angeles ? La police, les journalistes, l'écrivain de polar ? « Le boulot de la police, c'est de trouver les responsables quand un crime est commis, suggère Connelly. Les journalistes, c'est compliqué, il y a trop de négociations et de manipulations entre eux et les flics. C'est peut-être la littérature, finalement, qui dévoile le mieux la ville. Je serais bien incapable de vous dire ce qui, dans mes bouquins, fait ressortir le "feeling" de Los Angeles, je ne pourrais pas expliquer le mécanisme, mais j'espère qu'à chaque page le lecteur sent bien qu'il est à L.A., pas à Miami... »

Sûr qu'on y est, à L.A. D'ailleurs, certains n'hésitent pas à faire de ses bouquins le baromètre de la ville et du LAPD. « Vous vous souvenez quand Bosch rend son badge, à la fin de Wonderland Avenue ? demande le sergent McDonald. Quand le livre est sorti, il y avait une véritable hémorragie dans les rangs de la police. Des tas de flics raccrochaient, s'estimant trahis par le peu d'estime de la hiérarchie. » Wonderland Avenue, ou les années de plomb du LAPD, « inspecteurs la bavure » et corruption à tous les étages. Depuis, le grand chef Bratton a remis de l'ordre dans la maison, le moral est remonté et celui de Bosch aussi. Il se murmure même que le patron suivrait de près les aventures de Harry : « Il m'a effectivement téléphoné pour me dire qu'il avait bien aimé Deuil interdit, confirme Connelly. Mais je crois que c'était surtout pour corriger une erreur : dans le roman, je lui fais boire du café Starbucks, et lui m'assure qu'il n'a jamais aimé ça ! »

Bratton n'est pas le seul flic de Los Angeles à faire une apparition dans ces polars. Le sergent McDonald joue un petit rôle dans Deuil interdit, tout comme Russell Kuster, dont on a repéré le nom sur une plaque de marbre à l'entrée du commissariat de Hollywood. Un flic légendaire, Kuster, que le livre présente ainsi : « Beaucoup d'inspecteurs de la ville étaient passés à un moment ou à un autre sous la tutelle de cet homme qui, incarnation même du professionnalisme, avait trouvé la mort dans une fusillade en 1990, alors qu'il n'était pas en service. » C'est devant le petit restaurant thaï où Kuster s'est fait tuer, au pied de la colline où se dressent les lettres sacrées de HOLLYWOOD, que Connelly nous racontera la fin de l'histoire. « Kuster venait régulièrement déjeuner ici. Le hasard a voulu qu'un jour il tombe sur un gars qu'il avait envoyé au trou. Ils ont dégainé ensemble, ils sont morts tous les deux. »

Le rodéo urbain se termine devant une maison sans caractère, dans une enclave latino de Hollywood. Une vingtaine de flics fait le siège, fusil en joue, « balles moins que mortelles » dans les fusils à crosse verte, balles « qui font mal » dans les fusils à crosse noire. Connelly observe la scène, toujours aussi placide. Bref assaut - pas un coup de feu tiré, cambrioleur menotté, passablement tabassé. Affaire classée ? Dès qu'on aura écrit le rapport."

source : http://www.au-troisieme-oeil.com

_________________
"Le bonheur et la souffrance dépendent de votre esprit, de votre interprétation. Ils ne viennent pas d'autrui, ni de l'extérieur. Tous les bonheurs, toutes les souffrances ne dépendent que de vous, ils sont créés par votre esprit." Lama Zopa Rinpoche


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages précédents:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1 message ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 0 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages
Vous ne pouvez pas joindre des fichiers

Rechercher:
Aller à:  

Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
Traduction par: phpBB.biz
phpBB SEO