Alors.... Dans un tout autre registre...
Titre: Le tabac nuit à la santé
Auteur: moi
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Ce samedi-là, Brad, les yeux mi-clos, les cheveux ébouriffés et le visage marqué d'une large trace rougeâtre en relief due au replis de la doublure de la taie de son oreiller, descendit les escaliers en se tenant à la rampe.
Tous les matins, c'était pareil.
Brad Callagan se levait vers 5h30 -avant même que le réveil électronique ne se mette à sonner -, il descendait à la cuisine et préparait le café.
Des gestes simples, qu'à longueur d'années, il répétait.
Brad travaillait en usine, à la chaîne, et pour y être à l'heure, il devait démarrer tôt le matin.
Du lundi au vendredi, il se réveillait à 5h30, et, à force d'habitude, le week-end de même.
Quand il eut versé l'eau dans le percolateur, il appuya sur la touche "on" et se tortilla sur place en serrant les fesses et en croisant les jambes.
Tous les matins, Brad Callagan était doté d'une monstrueuse érection qui conférait à son pyjama éponge une titanesque convexité traduisant son besoin pressant d'uriner. Tandis que les premiers gargouillis de l'appareil entartré se firent entendre, Brad lâcha un long pet sonore qui l'avertit qu'il était également temps pour lui de soulager ses intestins rouspéteurs.
L'habitude.
L'incontournable habitude matinale de pisser et de ch**r vers 5h30 et des poussières…
Il fonça tout droit à la salle de bain où se trouvait les WC, son refuge quotidien. Rapidement, il baissa son pantalon de pyjama, il prit son paquet de Johnson sans filtre sur la petite tablette à côté du cendrier rempli de mégots noirs et il en alluma une.
D'emblée, par réflexe, comme une réaction en chaîne simultanée, il accomplit ses deux imparables besoins naturels en tirant une petite bouffée.
C'était là un des meilleurs moments de la journée: la première clope en pissant et en coulant un bronze!
Brad bâilla longuement, il se gratta la tête de sa main libre et aspira une seconde bouffée, non sans cette fois réprimer un haut-le-coeur de dégoût provoqué par une envie folle et soudaine de tousser.
C'était comme si ses poumons encrassés explosaient en tentant de vomir tout ce goudron malsain qui les rendait malades
Brad se racla la gorge et pour la dix millionième fois, il se dit qu'il était temps qu'il arrête de fumer.
Pour Brad Callagan, comme pour bien d'autres "cigarettophages", quand une quinte de toux faisait irruption, c'est qu'il était temps de penser à arrêter de fumer. Et pour la dix millions et unième fois, il se promit que dès le lendemain, il allait diminuer. Diminuer pour commencer: la fausse promesse des fumeurs invétérés.
Brad se souvint de sa dernière visite médicale.
- Ce n'est pas diminuer de fumer qu'il faut faire, c'est arrêter carrément! Lui avait conseillé le médecin en constatant le VEMS (Volume Expiratoire Maximal par Seconde) sur l'appareil qu'il tenait entre ses doigts. Brad sourcilla à peine, il n'avait rien à cirer de ces commentaires oiseux, comme tous les fumeurs, il était persuadé qu'il était à l'abri de toutes ces sal***ries de cancer, dyspnée, emphysème et autres affections cardio-vasculaires…
Ses yeux révulsés et mouillés par l'effort tombèrent sur son paquet quasi vide.
"Le tabac nuit à la santé" y lut-il.
Bel adage un peu niais qu'il connaissait par coeur et que Early s'amusait à lui répéter à sa manière, à chaque fois qu'elle en avait l'occasion: "Brad, tu ferais bien d'arrêter, tu tousses de plus en plus!", "Tu t'es déjà entendu tousser, Brad?", "Tes bronches sifflent comme une vieille locomotive diesel essoufflée!" , "Les cigarettes ont encore augmenté, t'as vu ce que çà te ferait au bout de l'année?" ,"C'est du gaspillage, c'est vraiment de l'argent qui part en fumée!", etc, etc…
Early ne fumait pas, elle n'avait jamais fumé et bien loin d'elle l'envie de commencer, surtout quand elle entendait Brad s'époumoner comme un malade rachitique qu'il devenait à la longue.
Il écrasa sa Johnson dans le cendrier en s'efforçant de ne pas salir la tablette.
Early était une bonne épouse, elle avait un tas de qualités sauf celles de l'ordre et de la propreté immaculée et principalement quand il s'agissait de vider les cendriers de Brad. Tant bien que mal, l'homme parvint à écraser le bout incandescent de sa cigarette et, comme quelques flocons de papier gris et de tabac brûlé étaient tombés sur le bord de la tablette, il souffla doucement pour les faire s'envoler. C'était un petit truc qui marchait bien, une petite expiration du bout des lèvres en direction des cendres éparpillées et celles-ci disparaissaient à gauche et à droite sans trop laisser de traces visibles pour l'oeil du commun des mortels!
…
Vers 6h00, après avoir avalé deux tasses de café noir, il fila sous la douche en se pressant parce-que, comme d'ordinaire, il était en retard sur son horaire.
Même le samedi, Brad Callagan avait un horaire à respecter. Early se levait tôt, elle aussi, soit vers 6h30, et quand elle se levait, il fallait que tout soit prêt: les WC libres, la salle de bain à sa disposition et le café servi!
Early n'était pas particulièrement exigeante, elle était comme toutes les femmes: une accro des chiotes et de la salle de bains où, respectivement, elle semblait définitivement s'installer pour couver ou pondre, et où elle aimait rester des heures à se contempler dans le miroir du lavabo.
Vers 6h30, la femme descendit effectivement. A une allure qui, à chaque fois, stupéfiait Brad, elle arpenta les 12 mètres du salon et de la salle à manger, elle lui fit un baiser rapide au coin de la bouche et disparut aux toilettes. Brad lui versa une tasse du café.
- Tu as bien dormi? Lança-t-elle depuis les toilettes.
Sans répondre, Brad décocha un coup d'oeil au rai de lumière qui passait sous la porte de la salle de bains.
- Tu ne devineras jamais de quoi j'ai rêvé cette nuit!?!
Brad soupira. Les rêves d'Early l'intéressaient autant que la couleur de son premier caleçon.
- Brad, tu m'écoutes? Early tira la chasse, ses dernières paroles disparurent dans la cacophonie provoquée par les eaux écumantes - et, tu sais quoi?
- Non?...
- Et bien,… par bonheur, le percolateur eut un sursaut d'humeur noire en gargouillant bruyamment.
- Et tu sais ce qui c'est passé ensuite?
- Non?... Brad continua sur un ton égal pour ne pas la froisser.
-Et bien,… tandis qu'elle poursuivait ses inepties, Brad passa au salon pour ouvrir les volets en levant les yeux au plafond, ces histoires matinales avaient le don de l'exaspérer au dernier des points.
Early se démaquilla les ongles de ses orteils tout en continuant à raconter son rêve de la nuit dernière.
- m**de! S'écria-t-elle en lâchant le petit flacon de détergent dans la cuvette des WC sur laquelle elle avait distraitement posé le pied.
- Quoi, que se passe-t-il?
- Rien, ce n'est rien! Pour ne pas lui montrer qu'une nouvelle fois elle avait fait preuve d'une maladresse certaine, elle s'éloigna aussi vite des toilettes.
-Ce n'est rien, j'ai failli laisser tomber mon rouge, mentit-elle.
Brad alluma une autre Johnson.
- Tu fumes encore? Mais, tu es à peine levé! C'est ta quantième? Early avait passé la tête dans l'encoche de la porte entrouverte.
- Quand on aime on ne compte pas! Brad asphyxia Early d'un épais nuage de fumée bleue dans sa direction.
- C'est dégoûtant, Brad, tu sais que j'ai horreur de ça!
- Pardon, je ne le ferai plus!
Brad passa à sa hauteur, lui décocha un baiser sur le front et entra dans la salle de bains.
- Tu dois encore aller aux toilettes?
- Quand je fume, le matin, tu sais très bien que j'en ai toujours pour deux ou trois fois!
- Le tabac nuit à la santé, Brad, combien de fois vais-je encore devoir te le répéter?
- Laisse tomber! Répondit mentalement l'homme. Il baissa ses jeans et s'assit sur la lunette.
- Tu ne dis rien?
- J'ai rien à dire, tu as probablement raison! Brad réprima une toux nerveuse qui lui picotait la gorge comme si le fait de parler de sa santé déclenchait une espèce d'urticaire situé au niveau du larynx.
- Et ne mets pas encore tes cendres partout! Cria la femme d'une voix sectaire, comme si elle se trouvait à des kilomètres alors qu'elle était si près.
Brad regarda le cendrier dégueulant de clopes éventrées.
- Oui, je fais attention, je fais toujours attention, tu me connais!
Early n'ajouta rien, sans doute n'avait-elle rien entendu car elle venait de brancher la radio.
Brad tira une longue bouffée sur sa Johnson, les bienfaits de la nicotine l'incitèrent à tirer encore, il vérifia la longueur de la mèche de cendres, écarta les cuisses, et, sans se douter que le détergent de Early nageait en surface, il jeta sa cigarette dans la cuvette.
-WAOUFFF!-
Tandis que de sa gorge asséchée un cri perçant monta péniblement, Brad eut tout juste le temps de ne pas comprendre quelle sal***rie lui dévorait goulûment les testicules et les fesses.
Une jolie gerbe de flammes hirsutes et insatiables qui s'attaquait maintenant au pyjama le mordirent avidement et sans pitié.
En écho, une petite voix prophétique lui répéta au creux de l'oreille: le tabac nuit à la santé, tandis qu'Early - le nez retroussé par les effluves nauséabonds de kératine -, de son regard hébété, le vit se transformer en un clin d'oeil en torche humaine…
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