Ouf ! Ça en fait des réponses... Je n'ai pas le courage de tout parcourir, je vais juste répondre aux principales remarques de SIPF et de Minia qui m'étaient adressées :
Minia : j'ai l'impression qu'il faut faire attention : sachant que l'on touche à une question médiatique et qui n'est pas complètement "neutre" d'un point de vue idéologique, le risque est assez élevé de tomber dans des biais logiques ou pseudo-scientifiques.
Donc !
Oui, il est possible chez les souris de relier approximativement une hormone à un comportement ou à un trait de caractère donné : ce sont des animaux avec une intelligence assez simple, ce qui facilite les choses.
En revanche, c'est le genre de truc qui devient beaucoup plus compliqué chez l'être humain, puisque l'Homme est un animal intellectuel : il n'est pas
uniquement gouverné par ses hormones, son comportement est au moins autant dicté par son caractère et les principes qu'on lui aura inculqué via son formatage familial et social.
Un petit exemple tout simple mais assez parlant : les hommes ont globalement plus de testostérone dans leur système sanguin que les femmes. La testostérone, c'est typiquement dans l'esprit populaire l'hormone responsable de la caricature de l'homme viril, le vrai, aussi bien sur le plan physique (poils, testicules) que comportemental (l'agressivité, l'appétit sexuel, etc). Pourtant, dans la pratique, je connais un paquet d'hommes qui sont de bonnes pâtes incapables de la moindre violence... et en contrepartie, je connais un échantillon au moins aussi important de nanas versant dans l'hystérie et l'agressivité à la première contrariété. Pourtant, à n'en pas douter, les premiers ont un taux de testostérone nettement plus élevé que les secondes.
On retombe dans ce que j'essayais d'expliquer laborieusement ci-dessus :
les variabilités de caractères constatées entre les personnes sont au moins autant liées – si ce n'est davantage – à un facteur individuel tout sexe confondu (je n'ai pas le même tempérament que mon voisin ou ma voisine), qu'à un facteur purement sexuel (la distinction homme/femme). L'étude que je citais dans mon premier message appuyait largement mes propos, mais j'ai l'impression que tout le monde est passé à côté... j'aurais dû la copier-coller en entier.
Sachant cela, il me semble très, très périlleux d'essayer d'extrapoler des études comportementales réalisées sur les souris chez les êtres humains. Ou alors, il faut dire aux sociologues d'arrêter leurs études sur le terrain auprès des êtres humains et leur dire de se rabattre sur des souris blanches dans des cages : ça leur fera gagner un temps conséquent.
En ce qui concerne les études et les textes que tu cites, ils ne démontrent pas grand chose en eux-même vis à vis de la question qui nous occupe :
- l'ocytocine et la prolactine jouent un rôle principalement biologique : faciliter la montée de lait au moment de la tétée, et rendre celle-ci moins désagréable pour la mère - en jouant sur le système de plaisir/récompense. C'est la seule chose dont on soit sûr.
Ces deux hormones sont aussi sécrétées par les hommes, et leur rôle sur le comportement est très complexe. On sait qu'elles ont notamment un rôle sur tout ce qui concerne le rapport aux autres : altruisme, facilité à la coopération en groupe, confiance à autrui, etc... donc ça va bien au delà de l'instinct maternel.
Au passage, petite remarque : la production de prolactine et d'ocytocine est effectivement stimulée par l'allaitement. Si ces hormones étaient effectivement à l'origine du fameux instinct maternel, cela voudrait dire que les femmes qui n'allaitent pas leur bébé ne seraient pas capables d'éprouver cet instinct ?..
- pour ce qui est de l'étude sur les Philippins, elle indique juste que le taux de testostérone tend à diminuer chez les hommes qui deviennent père. C'est tout. Rien de plus. L'idée selon laquelle le taux de cette hormone diminuerait pour faciliter l'émergence d'un instinct paternel est complètement apocryphe : c'est une hypothèse explicative du chercheur, l'étude elle-même ne le montre pas.
L'article de futura-sciences tombe dans un travers qu'on dénonce souvent en zététique (et qui est très courant dans les médias, ça permet de faire des effets d'annonce et d'avoir des gros titres plus dramatiques) : il fait passer une corrélation pour une causalité (voir
ce lien au cas où cette distinction ne serait pas claire).
Il se trouve que cette étude évolue précisément dans un domaine scientifique dans lequel ce type de biais est très susceptible de se produire : on touche un sujet très complexe où se mêlent le biologique et le comportemental, de très nombreux paramètres peuvent entrer en jeu et influencer le sujet d'étude, mais pour des raisons pratiques on se limite à n'en étudier que quelques uns (le taux d'une hormone circulant dans le sang, en l'occurrence).
Le fait que la testostérone diminue chez les nouveaux papas n'est pas intrinsèquement lié avec le fait qu'ils élèvent leurs bambins.
On pourrait imaginer, tout à fait par exemple, que le taux de testostérone diminue chez ces pères parce qu'en raison de leur paternité, ils fréquentent moins leurs potes... et on sait que la production d'hormone est très dépendante du milieu social (voir les cycles menstruels qui se synchronisent entre eux quand des femmes vivent ensembles).
L'instinct maternel n'est pas que biologique, il est aussi (voire : essentiellement) une construction socio-culturelle. Comme le disait le texte que tu citais, la façon dont les enfants ont été traités dans les temps historiques est suffisamment parlante.
Jusqu'au XIXème siècle, à quelques exceptions près, l'attention apportée aux enfants était assez dénuée d'affection. A la campagne, la vie était rude et les femmes pondaient 5 ou 6 marmots à la chaîne : pas de contraception, et besoin de main d'oeuvre dans les champs. Dans les villes, les bourgeois confiaient les nouveaux nés à une nourrice dont l'unique rôle était d'allaiter et de s'occuper du petit, pas de lui fournir de l'amour maternel...
C'est à la fin du XIXème siècle, lorsqu'on a commencé à être sûr qu'un gamin avait plus de 50% de chance de ne pas mourir avant l'âge de ses 3 ans, qu'on a commencé à envisager de tisser des liens avec lui et d'entretenir une relation plus exclusive.
Partant de là, il est très difficile de justifier l'instinct maternel par la biologie. Les études que tu cites ne le font pas vraiment, pour les raison que j'ai évoqué ci-dessus.
SansIPfixe a écrit:
par contre, je n'ai pas en tête de modèle social archaïque fondé sur des hommes à materner et des femmes à chasser le sanglier et combien cela aurait été le cas, ce serait une exception qui confirme la règle.

Bien sûr, les femmes sont rarement responsables de la chasse dans les sociétés traditionnelles... Mais toutes les sociétés traditionnelles ne fonctionnent pas selon un système très binaire "hommes = chasses / femmes = enfants" comme tu sembles le penser. Et ce n'est pas parce qu'une société est patriarcale que les hommes ne s'occupent pas des enfants - ça n'a strictement rien à voir, on a un peu trop tendance à calquer le fonctionnement de notre société sur les anciennes.
Si l'on regarde du côté des sociétés aborigènes ou polynésiennes, les femmes participaient également à la fonction de recherche de nourriture - en s'occupant de la cueillette de fruits, de baies ou d'insectes. Et les hommes, quand ils n'étaient pas à la chasse ou à la pêche (activité qui ne leur prenait pas tant de temps que cela, aux environs de 2h et 3h par jour), avaient tout leur temps pour des activités diverses : rituels religieux, réparation du matériel... et babysitting.
Quant à ce qu'il est du modèle social de nos ancêtres du Paléolithique, on en sait peu de choses, je préfère donc éviter de dire quoi que ce soit.
SansIPfixe a écrit:
Je ne sais pas si tu es déjà papa mais je peux te garantir que si tel n'est pas le cas, le jour où tu le sera tu verras que ta logique sera différente car supplanté par ton attachement indéfectible avec ton enfant, si tu dois choisir entre ta femme et ton gosse, tu choisis ton gosse. C'est comme ça.
C'est comme ça pour toi... mais vu le nombre de pères qui ont abandonné leur(s) gamin(s) (et la mère qui allait avec) après leur naissance, ça n'a pas l'air d'être une qualité universellement répartie chez tous les hommes.
