Le sentiment de "déjà-vu" touche près de 60% de la population. Cette sensation qui vous fait croire que ce que vous vivez à l'instant "T" a déjà été vécu. Depuis l'Antiquité, cette impression fascine et inquiète sans pour autant trouver une véritable explication rationnelle. Des chercheurs se penchent sur la question depuis plusieurs années et semblent avoir amassé un bon nombre de théories plausibles. Histoire et explications d'un phénomène étrange.
"J'ai comme le sentiment d'avoir déjà vécu cette scène". Cette phrase que 60% de la population ont déjà dit trouve des explications hypothétiques scientifiques. Ce sentiment d'avoir l'impression d'avoir déjà vu telle ou telle personne alors qu'elle vous est inconnue, ou encore d'avoir vécu cet évènement alors qu'il vient seulement de se produire. Un phénomène étrange, mal expliqué et mystérieux que la science s'efforce de comprendre.
Une sensation qui fascine
Cette impression de déjà-vu fascinent depuis plusieurs centaines d'années. Beaucoup d'experts, de chercheurs et de scientifiques se sont penchés sur la question au fil des siècles. Cela a résulté d'explications qui peuvent paraître absurdes aujourd'hui, mais qui étaient vraiment prises très au sérieux à l'époque. Ainsi, certains ont proposé des explications du domaine du paranormal ou bien que cela serait la réminiscence de souvenirs d'une existence antérieure. Il y aurait donc un semblant de métempsycose (déplacement de l'âme) ou plus communément appelé réincarnation. Certains voient en cette sensation des souvenirs de rêves prémonitoires ce qui expliquerait que plusieurs personnes prétendent avoir des dons de voyance et de médium.
L'expression de "déjà-vu" s'est forgée en 1876 par le philosophe Emile Boirac dans son ouvrage "L'avenir des sciences psychiques" (1916). Ce phénomène intrigue depuis l'Antiquité. Les philosophes platoniciens et pythagoriciens y voient le souvenir d'une vie antérieure alors que les stoïciens optent pour "l'éternel retour du même".
Le "déjà-vu", une sensation "déjà-rêvée"
Dans le domaine de la psychanalyse, Sigmund Freud a assimilé le "déjà-vu" à un "déjà-rêvé" dans son ouvrage "Psychopathologie de la vie quotidienne" (1901). Il y aurait donc un phénomène de reviviscence (réapparition d'un souvenir) d'une perception. Mais on sait que Freud avait pour réputation de tout reporter à la sexualité et à l'inconscient. Ainsi, cette perception serait celle d'un fantasme (ou d'un rêve) inconscient et que la conscience rejetterait. De ce fait, la personne ne peut donc se souvenir consciemment de cette personne ou de cet évènement.
Mais pour Francis Eustache, directeur de l'Unité de recherche neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine (Inserm, Université de Caen), "c'est un phénomène très difficile à expliquer", relaie le site internet de Doctissimo. Aristote, célèbre philosophe grec du IVe siècle avant J.C, était déjà à la pointe de la psychologie car son esprit pratique plaçait l'idée d'un simple trouble psychique. Mais, à cette époque, toute explication rationnelle et scientifique était plutôt mal accueillie (à l'instar des explications d'Hypatie sur l'orbite de la Terre qui tourne autour du Soleil - à savoir que les croyances voulaient que tout tourne autour de notre planète -). Seuls les dieux décidaient de ce qui se passait, la science n'ayant donc aucune valeur. A tel point que Saint-Augustin s'est inquiété vivement de cette sensation de "déjà-vu". L'Eglise l'a imité et a attribué cette impression au démon tentateur.
Mais si l'on suit Sigmund Freud, cette impression de "déjà-vu" serait donc l'expression consciente de nos désirs refoulés. "C'est la raison de son 'inquiétante étrangeté' : cette confrontation entre familiarité et surprise signale que l'on touche à de l'interdit", explique Nelly Jolivet, psychologue psychanalyste, relayée par le site internet Psychologies.
L'explication neuropsychologiquePour Francis Eustache, "le chemin qui conduit à un souvenir est erroné". Ce que la personne est en train de vivre provoquerait une sorte de stimulus activant des connaissances en rapport avec l'évènement dans notre mémoire. Ainsi, la personne concernée aura l'impression de s'en souvenir, mais n'arrivera pas à le situer dans le temps. "On peut ainsi ranger l'impression de déjà-vu dans la catégorie des faux souvenirs", explique le scientifique (lire aussi
"La publicité nous fabriquerait des faux souvenirs" ). Mais d'autres recherches dans ce domaine indiquent que ces impressions peuvent être des "symptômes de maladies neurologiques".
En effet, certaines formes d'épilepsie peuvent être la résultante à ces sensations de "déjà-vu", tout simplement par le fait que l'épilepsie se manifeste par une série de décharges électriques au niveau du cerveau. "Le sentiment de déjà-vu que l'on observe chez certains patients épileptiques se manifeste de la même façon que chez les sujets 'sains'. En revanche, la fréquence est beaucoup plus élevée, on peut ainsi compter jusqu'à plusieurs épisodes par semaine dans certaines épilepsies", nous apprend Patrick Chauvel, professeur en neurophysiologie et neurologue à l'Hôpital de la Timone à Marseille.
Voici donc les explications théoriques de l'impression de déjà-vu. Dans un premier temps, le cerveau déterminerait inconsciemment et dans un laps de temps très court, ce qui, dans l'environnement du sujet, concorde avec des expériences déjà rencontrées. Cette explication donnerait donc raison à l'éventualité que nos ancêtres utilisaient cette impression pour faire face plus vite à d'éventuels dangers.
D'autres scientifiques prétendent que c'est le parahippocampe, qui serait à la source des sentiments éprouvés lors d'une impression de déjà-vu. Cette zone du cerveau fonctionne habituellement avec l'hippocampe (siège de la mémoire). Seulement, lors du "déjà-vu", le parahippocampe fonctionnerait seul. Ainsi, seul le sentiment étrange du "déjà-vu" œuvrerait. Cette explication rejoindrait celle que l'on entend souvent : "C'est notre cerveau qui arrête toute activité durant un temps très court". Mais dans ce cas, comment se fait-il qu'on ne peut pas anticiper la suite des évènements ? Tout simplement parce qu'au bout de quelques secondes, le cerveau retrouve un complément fictif et plausible à ce manque d'informations.
Le "déjà-vu" dans la Culture Il existe une pléiade de théories apportant des explications rationnelles à cette sensation. Mais le moins que l'on puisse dire c'est que ce phénomène fascine et alimente les curiosités des artistes, écrivains ou poètes. Ainsi Shakespeare s'exclame : "Non, Temps, tu ne te vanteras point que je change !" car tout n'est que "spectacle déjà vu". Le site internet Psychologies rappelle que qu'au XIXe siècle, Charles Dickens, Chateaubriand, Baudelaire ou encore Proust étaient obsédés par ce phénomène. Ce dernier a même écrit dans "A la Recherche du Temps Perdu", tome II : "la sensation semblait dire : 'saisis-moi au passage si tu en as la force, et tâche à résoudre l'énigme de bonheur que je te propose' ".
De même, l'univers de la musique a aussi traité avec cette impression. On peut noter les titres de "My deja vu" du groupe Ace of Base, ou bien "L'impression du déjà vu" écrite par Serge Gainsbourg et interprétée par Jane Birkin. Enfin, le Cinéma est rempli de ce mystère. Le film "Fight Club" dans lequel le personnage principal a constamment des sensations de "déjà-vu", le film "Déjà Vu" sorti en 2006 avec Denzel Washington ou bien encore dans le premier opus de "The Matrix" où cette sensation est due à une modification de la matrice. Ce sentiment de Déjà-vu nous promet donc encore des surprises...