Effets de la privation de sommeil
Les effets sont variables selon les individus. L'étude génétique et les notions de "petits" ou "gros" dormeurs sont trop récentes pour qu'elles aient été prises en compte dans l'étude des effets de la privation. Les effets se manifestent des 24 heures de privation.
A. Privation totale du sommeil
La durée des expériences contrôlées varie de 1 a 11 jours (264 h). Les effets sont multiples et leur intensité est fonction de la durée de privation et de l'état de stress du sujet.
1. Les troubles de l'humeur sont les premiers à se manifester.
On observe:
une irritabilité et une irascibilité croissantes;
une alternance rapide (quelques minutes) d'euphorie et de dépression;
parfois une indifférence à l'environnement avec le désir de rester seul.
2. Instabilité psychomotrice. La personne ne peut rester immobile. Elle éprouve le besoin de se déplacer, de changer de place, de position (debout, assis). De ce fait, elle a des difficultés à fixer son attention.
3. Les troubles de la sphère visuelle sont multiples et variés
sensation de brulure, de picotements oculaires. L'observation montre une hyperhémie conjonctivale (yeux rouges);
le sujet voit du brouillard autour des lumières. Parfois, diplopie. La lecture est alors difficile;
changement de forme des objets. Le sujet a l'impression que le sol ondule, que les lumières clignotent, que les objets bougent rapidement dans le champ visuel latéral;
hallucinations vraies. Elles peuvent survenir dès le 3e jour de privation. Au début, le sujet critique ces hallucinations puis il y croit de plus en plus. Ces hallucinations sont particulières: le sujet voit des fils, des cheveux qu'il cherche à enlever; il croit voir des fourmis, des vers sur sa peau (témoins des dysesthesies ressenties).
4. Troubles somesthésiques. Dysesthésies: la personne perçoit des fourmillements des extrémités (mains, pieds). Au niveau de la face, elle a l'impression d'avoir un chapeau très serré. Des trémulations des paupières et au niveau des membres sont observables. Les tests mettent en évidence une augmentation de la sensibilité à la douleur.
5. Les troubles auditifs sont très inconstants. Le sujet entend des bruits paraissant lointains (sifflements, cloches).
6. Désorganisation de la pensée. Les troubles se caractérisent par:
un ralentissement de l'idéation entraînant une parole lente et basse. Aux questions posées, la réponse est longue à venir comme si le délai de reflexion était augmenté;
des difficultés à trouver le mot correct. Les phrases restent inachevées. Le sujet a des difficultés à garder un raisonnement logique. Il perd "le fil" logique du discours;
une suggestibilité accrue;
des oublis des faits récents: il existe une cenaine amnésie antérograde. De plus, les personnes privées de sommeil éprouvent des difficultés à se projeter dans le futur (amnésie du futur). Cela est d'autant plus perceptible que ces personnes exercent des responsabilités importantes. Elles se préoccupent essentiellement de la routine quotidienne;
une confusion et une désorientation temporo-spatiale après 5 a 6 jours de privation.
7. Syndrome végétatif (inconstant). Il est possible d'observer une tachycardie modérée et une hyperthermie (38°-38°5). De plus, l'augmentation de la sensation de faim entraîne une hyperphagie. Des céphalées, des gastralgies, une augmentation de la libido peuvent être observées.
8. La perception temporelle est modifiée. Tantôt le sujet croit que le temps passe vite, tantôt il le croit ralenti. Ce fait est objectivé par le test du "tapping"; on demande au sujet de battre la seconde: il tape plus vite ou plus lentement que le temps réel.
B. Privation partielle
La privation partielle est réalisée avec les mêmes méthodes que la privation totale mais elle est limitée à 2, 3 ou 5 heures chaque jour. Les changements de rythmes de travail peuvent entraîner des privations de sommeil.
Les mêmes troubles sont observés mais leur apparition est plus progressive et peut s'étaler sur plusieurs semaines.
Résistance à la privation de sommeil
La résistance à la privation de sommeil n'a pas fait l'objet de publications. Une hypothèse devrait être testée: est-ce que les "petits" dormeurs sont plus résistants à la privation que les "gros" dormeurs ?
Les associations de privations paraissent diminuer la résistance. La privation de lumière (obscurité complète, cagoule, etc.), la privation de sons extérieurs qui amplifie les sons internes (coeur, articulations, intestin) sont très mal supportées.
Les conditions psychologiques influencent beaucoup la résistance. R. Siegel a fait une revue de 30 cas de prise d'otages. Ces personnes soumises à l'isolement, à la privation de lumière et à la restriction de mouvement peuvent présenter des hallucinations visuelles survenant en quelques heures si toutes ces contraintes sont accompagnées de menaces de mort.
L'association de privation de sommeil avec l'administration de psychotropes a été très peu étudiée. Les benzodiazépines posent des problèmes médico-légaux. En effet, associées à I'alcool, elles entraînent une très forte suggestibilité accompagnée d'amnésie lacunaire de quelques heures.
La résistance est très augmentée si le sujet peut dormir quelques heures.
A la fin de la privation, le phénomene de rebond est observé. La durée du sommeil est fortement augmentée. Les troubles disparaissent pour la plupart après un à deux jours de sommeil.
A quels signes peut-on reconnaître une personne privée de sommeil ?
Les signes qui ont été décrits au paragraphe précédent sont également observables dans d'autres syndromes pathologiques: ils ne sont donc pas spécifiques de la privation de sommeil. Cependant, certains sont évocateurs et doivent être recherchés.
1. Le faciès de la personne privée de sommeil a été décrit sous le nom de syndrome de Midzenty (évêque tchèque) caractérisé par des cernes importants au niveau des paupières, des yeux rouges et des trémulations des muscles de la face, principalement des paupières.
2. Le comportement doit attirer l'attention. Le sujet est prostré, indifférent, ou manifeste une instabilité psychomotrice et une certaine irritabilité aux questions posées. Le sujet parle a voix basse, nécessitant de faire répéter. La personne se frotte les mains, les bras, le front (témoin des dysesthésies).
3. Rechercher les autres signes :
les troubles visuels, par la lecture
faire attention aux éventuelles hallucinations;
la tachycardie et l'hyperthermie;
la perturbation de la notion du temps;
apprécier la suggestibilité;
demander si la personne est habituellement un petit ou gros tormeur.
La présence de plusieurs de ces signes permet d'évoquer la privation de sommeil sans qu'ils soient une preuve formelle. - Source :
La privation du sommeil
Apparemment, la privation du sommeil n'est pas mortelle en soit pour un individu en bonne santé, mais les effets physiologiques et psychologiques du manque de sommeil peuvent en eux-mêmes devenir un danger pour l'individu, son comportement devenant altéré et incertain.