Deux excellents films quoiqu'une fois de plus inspirés de l'oeuvre plutôt que de fidèles adaptations :
L'antre de la folie de John Carpenter (excellent !)
La Malédiction d'Arkham de John Corman : un film très classique qui fait très Hammer et qui étrangement se rapproche plus du monde de lovecraft, tout y est suggéré (dommage mais ce n'est pas plus mal) , rien de jamais vraiment signifié aux yeux du spectateur, la fin est cependant un peu trop convenue. Ceci dit, c'est pittoresque, il y a une véritable histoire et les couleurs sont vraiment très belles....
Re-animator est une vulgaire parodie gore qui ne réjouira que les amateurs, c'est cependant une trahison totale de l'oeuvre de Lovecraft, de sa facture romanesque. Idem pour From Beyond, trop sado maso et sans aucun scénario. Dagon ne vaut que pour sa jaquette et la scène finale, la seule scène lovecraftienne que les spectateurs ont malheureusement attendu durant tout le film, trop simpliste, sans aucune fidélité (encore une fois) et par trop brouillon. La scène du sarcophage sous les eaux est cependant très belle. Le reste est un incroyable gâchi, dommage, il y avait de l'idée.
Citons enfin le cycle de Evil dead qui, reprenant la trame du Necronomicon, avec des scènes vraiment réussies, comme les escaliers menant au pupitre sur lequel repose le livre du Necronomicon, distille quelques points de vue sur un univers très riche. Ils n'ont cependant rien compris à l'oeuvre cérébrale et quelque part romantico-mélancolique de Lovecraft, sombrant dans le gore alors qu'il leur faudrait inventer un
" lyrisme de l'indicible ", quelque chose qui a plus à voir avec les surréalistes d'André Breton, visuellement, qu'avec une quelconque série de charcutages de corps en hurlant comme des cochons à l'abattoir. Lovecraft, tout comme Robert Howard, est bien plus proche de la littérature française et européenne que les médiocres adaptations qui en ont été faites laissent supposer....
Le problème avec Lovecraft c'est qu'en voulant faire trop moderne on dénature toute son oeuvre très visuelle, symbolique, surréaliste, même si elle touche souvent au corps et à la dégénérescence mentale. Tous en sont restés sur ces deux symptômes, ils ne pouvaient que sombrer dans le gore et la surenchère sans queue ni tête. Or, lovecraft dépasse largement le pathologique par cette " métaphysique matérialiste ". Le seul à s'en être bien tiré est Carpenter dans son " Antre de la folie ", une oeuvre intelligente, guignolesque, et subtile, peut-être la seule parvenant à toucher à l'indicible. A voir donc.....
Pourtant, avec une oeuvre aussi visuelle il y aurait de quoi faire de sacrés films. Gigger, avec les moyens d'un Cameron et un réalisateur audacieux mais respectueux de l'oeuvre écrite, pourraient faire de grands films. Seulement voilà, personne ne semble en être capable. Mais avec une telle esthétique des entités et monstres lovecraftien il y a vraiment matière à faire. Car contrairement aux imbécilités qui ont été lancées sur son oeuvre depuis des dizaines d'années, Lovecraft reste très visuel, très charnel. Ils se sont tous arrêtés à l'indicible comme un sentiment, comme une terreur, ils n'ont pas compris que l'univers de lovecraft est en même temps une poétique de l'horreur, et une métaphysique du mal. Ils se sont fourvoyés dans le demonstratif du repoussant, de l'abject, et en cela ils ont complètement oublié La Peur suggérée pour privilégié l'indincible ramené au pur biologique, d'où le gore. Et en en restant à une pathologie de cet
" indicible " ils ont commis la plus grande erreur d'intreprétation d'un auteur qui fut poète et scientiste avant d'être le libidineux raciste cultivant un indicible comme d'une folie particulière...
Il y a au contraire pas plus facile à adapter au cinéma que l'oeuvre de lovecraft. Pour cela il suffit de ne pas oublier deux choses importantes :
Une histoire policière et une mélancolie relevant plus des errances d'un Rimbaud ou d'un Baudelaire que d'une pathologie. La pathologie chez Lovecraft est symbolique, refoulée, désespérée et scientiste, mais aussi extrêmement poétique. Les américains en sont restés au pur pathologique, au gore, au corps torturé, au cri primitif et réactif devant les grands fonds de l'horreur métaphysique. C'est la plus grande erreur du cinéma américain à l'encontre de Lovecraft. Je pense que Tim Burton pourrait parfaitement porter à l'écran une série de nouvelles comme " Démons et merveilles ".....
En fait, ce qu'il y a de plus comique dans cette " histoire cinématographique " c'est ce fait inversé : ce sont les américains qui ont psychologisé Lovecraft, qui en sont restés au corps, en négligeant le pur métaphysique mécaniste. Généralement, c'est le contraire, ce sont les français qui font généralement ça du fantastique, ils le " psychologisent " et c'est vraiment amusant !!!!
L'échec de Lovecraft au cinéma repose donc sur la plus grande incompréhension littéraire jamais faite sur une oeuvre, et c'est cette bafouille du cinéma amateur qui a enfermé ce monument littéraire dans un clivage dont il ne semble pas près de sortir. Seul un grand réalisateur de l'étoffe d'un Burton, épris de mélancolie et de barroque, sera capable de donner sa pleine authenticité à l'oeuvre de Lovecraft......
Car en s'en tenant à un sentiment du suggestif, les réalisateurs ont complètement tronqué une oeuvre qui avait beau fonctionner sur la subjectivité, sur l'indicible et le non dit, le non révélé, elle reste l'une des plus poétique et visuelle de toute la littérature fantastique. Un film Lovecraftien a au contraire besoin d'images, de phénomènal, pour traduire toute la dimension langagière et cette métaphysique infernale d'une oeuvre qui je le répète ne peut pas être réduite à un sentiment, à du non dit.
Quelle erreur, et quelle bétise......
