Voilà, j'avais juste envie de vous faire partager cet article que j'ai lu sur le site http://www.au-troisieme-oeil.com
C'est un sujet que me touche tout particulièrement et j'aimerais donc que vous me donniez votre avis...
Clémence avait annoncé son projet de suicide sur Internet: « J'ai honte de dire que je veux mourir »
" Clémence, 14 ans, qui a disparu mardi du village d'Andres (Pas-de-Calais), avait annoncé dès le 15 novembre son projet de suicide dans un journal tenu sur Internet. Le corps de son amie Noémie, 15 ans, a été découvert mercredi.
Clémence a posté ce message sur Internet le 20 janvier à 18 h 06 : « Personne m'a poussée au suicide. Je voulais juste quitter cette terre si vide. Qui pour moi n'avait plus de valeur. Malgré les personnes à qui je tiens de tout coeur. » Cinq jours plus tard, cette adolescente de 14 ans originaire d'Andres (Pas-de-Calais) se volatilisait brusquement en compagnie d'une amie, Noémie, 15 ans. Le corps de Noémie a été retrouvé mercredi à l'aplomb du cap Blanc-Nez, près de Calais.
Hier, une information judiciaire pour « recherches des causes de la mort » a été ouverte. Une autopsie sera pratiquée aujourd'hui mais la victime, tombée du haut de la falaise, présentait des traces d'automutilation sur les avant-bras et les poignets. Clémence, qui avait laissé une lettre révélant des intentions suicidaires, demeure introuvable. La teneur du message laissé sur Internet ne laisse guère d'espoir : l'adolescente a vraisemblablement mis fin à ses jours, un projet qu'elle avait annoncé dès la mi-novembre sur son « blog » personnel, sorte de journal intime que tous les internautes ont pu lire pendant des semaines. Ces messages dévoilent au fil de trente-trois pages la détresse d'une adolescente tourmentée par une déception amoureuse. Son petit ami l'a quittée. Clémence ne le supporte pas. La vie n'a plus de goût. La jeune fille va ainsi décrire ses sombres états d'âme pendant des semaines à travers des textes, des poèmes, souvent illustrés de photos d'elle, de son amoureux, de clichés d'amis... Combien d'internautes ont lu les inquiétantes confidences d'une adolescente attirée par le côté sombre des choses ? Impossible à dire.
Noémie, qui possédait également un journal sur Internet, fut sans doute l'une de ses premières lectrices. Elle et Clémence s'étaient rencontrées l'été dernier, autour d'une piste de skateboard près de la plage de Calais. On ignore encore quels étaient les liens exacts unissant ces jeunes filles scolarisées dans des établissements différents. Des liens forcément très forts. Assez pour décider de mourir ensemble ?
« On voulait juste te dire qu'on t'adorait »
Les enquêteurs vont s'attacher à définir le profil psychologique de Clémence et Noémie, espérant découvrir ce qui a pu les pousser à ce double suicide présumé. Au vu des premiers témoignages, le procureur de Boulogne-sur-Mer exclut pour l'heure que les adolescentes aient pu être influencées par des adeptes de la « communauté gothique » qui revendiquent une attirance pour « l'obscur » et « le morbide ». Dans l'entourage des deux ados, ce drame provoque stupeur et chagrin.
« On voulait juste te dire qu'on t'adorait. Pourquoi tu nous as fait ça ? Pourquoi tu nous as laissés ? Tes camarades de 3ème C », peut-on lire dans le hall du collège Jean-Monnet, à Coulogne. Deux grands panneaux recueillent les témoignages des camarades de classe de Noémie. « L'annonce de la nouvelle fut pour nous comme un coup de massue », résume François Hollande, le principal du lycée Jean-Bosco, à Guînes, où était scolarisée Clémence, une « fille tonique, pas renfermée sur elle-même ».
Ici, une cellule d'aide psychologique a été mise en place dès hier matin : deux psychologues de l'hôpital de Calais sont venus spécialement en renfort des deux médecins scolaires. Même dispositif au collège Jean-Monnet où Noémie, dépeinte comme « une élève timide et sans problème particulier », redoublait sa 3ème. « Nous avons préparé les professeurs à répondre à toutes les questions des élèves, et nous recevons individuellement tous ceux qui le demandent. Nous tentons de faire verbaliser au maximum les enfants, de leur faire exprimer leur douleur ou leur colère », précise un psychologue. Pendant ce temps, les recherches se poursuivent pour retrouver Clémence.
« J'ai honte de dire que je veux mourir »
Clémence, alias « Rosette » ou, plus explicite, « Ange de tristesse ». Ou plutôt « de tristes ». Parce que dans le langage « blog », les mots sont raccourcis, compactés, comme en langage texto. Difficile pour les non-initiés de décrypter ces hiéroglyphes, cette langue codée comme un signe de ralliement. Depuis le 15 novembre dernier, Clémence avait son site personnel sur Internet. Une sorte de carnet de route, de journal intime, ce blog était surtout le déversoir de son trop-plein de mal-être. Mais à la différence du journal intime, certaines personnes choisies, certains de ses amis connaissaient l'adresse de ce blog. Ils ont pu lire, au fil des jours, les pensées toujours plus noires de l'adolescente, ses appels au secours. Sans trop la croire : « Tu l'savé depui lgt ktalé partir » : « Tu le savais depuis longtemps que tu allais partir... Tu m'as prévenue, je ne t'ai pas prise au sérieux, je culpabilise. Il n'y a pas que moi, mais tu as formé un vide, tu ne peux pas imaginer la souffrance, tu aurais du penser aux conséquences... Moi je t'aime ». Signé « Tite Fé », ou Petite Fée, le 27 janvier à 10 h 43. Noir sur fond noir, quelques bandeaux pourpres, des textes rédigés presque quotidiennement, le blog de Clémence est illustré de photos à la thématique récurrente : le noir, le sang, la mort. Des reproductions de pierres tombales, d'anges déchus, de chair scarifiée et très souvent des visages de femmes pleurant des larmes de sang. Mais parfois quelques photos heureuses, comme des instants de grâce : avec une copine pendant le Téléthon organisé dans son collège, alors qu'elle s'était peinturluré le visage au marqueur. Des photos de ses amis, et surtout des portraits de son ex-petit ami. Il était son amour déçu. Les textes sont quasi invariablement des poèmes, écrits par la jeune fille, ou repiqués sur Internet, aux titres évocateurs : « Tristesse », « Souffrance », ou seulement des points de suspension. De temps en temps, quelques commentaires, notamment à propos du film « Thirteen », l'histoire d'une amitié morbide entre deux adolescentes. Extraits.
Récurrent, le malaise de l'adolescente occupe la place principale de ses écrits. On croirait presque qu'elle l'a ouvert uniquement pour annoncer son intention d'en finir : « Mon coeur est détruit, Mon coeur est démoli, Dans ma tête tout est flou, Depuis que je suis dans ce monde de fous, J'comprends plus rien tout se mélange, Je trouve sa vraiment étrange, Mes yeux remplies de larmes, Dans ma main une arme, Une belle et jolie lame, Jvais me la planter, Dans les veines et me tuer, Mettre fin à ma vie, Qui n'est que malheurs et cris, Je ne veux plus, Je ne peux plus, Je veux m'en aller, Je veux crever. » (Je veux partir) . Dès le 15 novembre, lorsque Clémence commence à écrire, déjà elle pense au suicide. Mais au départ, ce n'est qu'une possibilité, un peu romanesque, et la jeune fille hésite : « que faut-il faire ? s'ouvrir ou réagir ? s'en aller ou rester ? toujours les meme questions... Qui resteront sans reponses... » En même temps, la jeune fille culpabilise, consciente que sa situation d'ado n'est pas des pires. C'est pourtant cette même culpabilité qui la fait sombrer davantage. « J'ai honte de dire, Que je veux mourrir, J'ai honte de dire, Que je veux partir, Des gens crèvent sans le vouloir, Les gens devraient le savoir, J'ai honte de moi, Je ne mérite pas d'etre là, Ma vie n'est pas très jolie, Mais je dors dans un lit, Je fais des crises d'anxieté, Je devrais me taire, Fermer ma geule, Hurler en silence, Et cacher mes larmes, J'ai honte de moi... Je ne mérite pas mes amis, Ils sont mieux que moi, Je souffre... Mais je ne devrais pas le dire, Je devrais me taire... Et mourir... » (J'ai honte, 15 novembre 2004) . Le 29 décembre, après une longue dissertation sur la dépression et l'envie d'en finir, elle pose la question : « Est-ce que je suis comme ça ? »
A plusieurs reprises, des photos et des symboles de la feuille de marijuana. Clémence en consommait peut-être, notamment autour du skatepark qu'elle fréquentait avec les jeunes passionnés de roller. Une semaine avant de décider d'en finir, elle a posté une reproduction d'une publicité trafiquée pour « MacDrugs » où figurent des photos de joints. « C'est mon Mac Do préféré !! », commente Clémence en marge de la photo.
C'est la respiration de Clémence, sa grande source de vie et de joie : « J'aime mes amis, j'aime P., j'aime M., j'aime N., mais je n'aime pas ma vie. Pourquoi ? (...) Je ne fais pas de co**erie parce que je ne peux pas m'imaginer sans mes meilleurs amis. » Parmi eux, « N. », que Clémence semble considérer comme son double masculin. « N., mon meilleur ami, je l'aime trop, il est toujours là pour moi, quand je ne vais pas bien, ce qui arrive souvent, il est toujours présent et c'est pour ça que je tiens à le remercier. Merci pour tout, merci de m'ouvrir tes bras. Meilleur ami pour la vie. » Pour l'adolescente, qui l'avait noté au détour d'une des pages de son journal sur Internet, « l'amitié a été inventée pour panser les blessures de l'amour ».
Elle parle beaucoup de son ex-petit ami, avec lequel Clémence a eu une relation pendant cinq mois. C'est à la suite de leur rupture que l'adolescente a basculé dans l'envie de mourir. « Quand je me couche je l'ai dans le sang, quand je le vois, mon coeur part au galop, Quand je lui parle, mes joues s'empourprent et les lèvres brulent, Je l'aime cela ne fait aucun doute. Jusqu'à maintenant je n'ai pas su voir clair en moi, mais aujourd'hui je l'ai perdu... je croyais qu'être amoureuse était la plus belle chose qui arrive, mais c'est le pire des poisons » (11 janvier 2005) . Son dernier texte, c'est pour lui que Clémence l'a écrit, le 21 janvier. Il y a une semaine : « Voila je voulais le remercier (même si il ne me parle plus), merci de m'avoir fait découvrir l'amour pendant 5 mois !!!! Tu es la meilleur chose qui me soit arrivée et aujourd'hui la pire!! J'ai toujours aimé la mort grâce a toi je l'ai oubliée, et encore grâce à toi je vais la découvrir... (...) Avant de partir je voulais te dire ces quelques phrases. Merci, Je t'aime encore. »
Ce jour-là, tout semble s'accélérer, et les déclarations d'intention de l'adolescente semblent devenir de plus en plus concrètes pour elle. « Ecrire, c'est hurler en silence. », lit-on sur une photo. « Pourquoi dit on que le suicide est un geste égoiste ? car on laisse des personnes tristes derrière nous ? Oui, peut-etre mais si ces personnes avaient vu plus tôt à quel point mon coeur était despéré, peut etre qu'à ce jour elles ne seraient pas triste et moi pas morte... » Un véritable appel au secours. Resté lettre morte.
En haut à gauche du blog, une petite fenêtre indique : « Dernière mise à jour le 22 janvier ». Depuis mardi, quelques-unes de ses amies sont venues sur le site d'« Ange de tristesse ». L'une d'entre elles lui lançait un appel, hier, espérant revoir Clémence vivante : « J'espère que tu n'es pas allée au bout, et que tu n'as pas suivi Noémie. »
Les blogs, nouveaux journaux intimes des ados
Nouvel espace d'expression sur le Web, les blogs font fureur auprès des internautes. En France, ils sont passés de cent mille à un million en un an. Bien au-delà du phénomène de mode, c'est devenu un véritable vecteur de communication dont raffolent notamment les ados. Le blog, contraction en anglais des mots web et log, est une sorte de journal intime mis en ligne sur Internet. Son auteur y consigne des écrits personnels, le plus souvent accompagnés de photos, voire de vidéos. Les thèmes abordés sont infinis. On trouve de tout sur les blogs : blagues, états d'âme, opinions, réactions à l'actualité...
La particularité du blog, et principale raison de son énorme succès, c'est qu'il est lisible par les autres internautes qui peuvent apporter leurs commentaires, un peu comme sur les forums de discussion. « On compare les blogs à des journaux intimes, mais c'est en réalité exactement l'inverse d'un journal intime puisque l'auteur, au lieu de se raconter à soi-même, s'expose aux autres. Les ados en sont très friands. Cet univers leur appartient et échappe aux adultes », explique le psychanalyste Didier Lauru *. Lycéen originaire de Lille, Loïc, 16 ans, confirme cet attrait. « Je vais sur les blogs depuis un an. Je l'ai d'abord fait par curiosité. Mais, comparé aux chats ou aux forums de discussion, il permet de mieux cerner la personnalité de l'internaute parce qu'il se dévoile. On croise moins de mythos qu'ailleurs. » Mais voilà, on n'y lit pas uniquement que des délires de potaches, des messages complices ou des échanges anodins. Clémence, 14 ans, a choisi ce support pour exposer ses tourments d'adolescente, accablée par une brutale rupture sentimentale. Elle est même allée plus loin, confiant « publiquement » ses intentions de se tuer. Des cas rarissimes mais que Didier Lauru a déjà rencontrés : « Il ne faut pas diaboliser les blogs, mais j'ai connu le cas d'ados annonçant leur suicide par ce biais. C'est une façon de prendre l'autre en otage, de retourner sa violence contre lui. » Une sorte d'appel au secours.
« Un appel à l'aide »
Clémence a commencé à évoquer ses intentions suicidaires dès la mi-novembre 2004, des idées noires pouvant être lues pendant plusieurs semaines par les internautes, proches comme inconnus. « Un appel à l'aide. Certains jeunes se complaisent dans les idées noires, une sorte de spleen romantique, parlant abondamment de la mort », ajoute le psychanalyste, précisant qu'il est très difficile de dire s'il y aura passage à l'acte. « Très peu de jeunes qui affichent leur volonté de mourir le font. Mais il ne faut jamais minimiser quand quelqu'un se met à évoquer son blues ou pire un projet suicidaire. Dans ces cas-là, les ados se soutiennent généralement entre eux, c'est en tout cas le conseil à donner », ajoute Didier Lauru. Stupéfait par l'histoire de Clémence, le lycéen lillois dit ne jamais avoir lu de tels écrits sur Internet. Il lui arrive malgré tout de tomber sur des messages inquiétants. « Du genre J'ai envie de me tuer. Quand je lis ça, je me demande si cet internaute attend qu'on aille vers lui. Moi, je les contacte, j'essaie de savoir ce qui ne va pas, je ne reste pas indifférent », témoigne Loïc, confiant que plusieurs internautes l'ont remercié de les avoir ainsi soutenus."
* Auteur de « la Folie adolescente », paru chez Denoël en 2004.
Un article d'Anne-Cécile Juillet & Geoffroy Tomasovitch.
Source : LE PARISIEN (28 janvier 2005)