Un petit "reportage" pour compléter:
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Seconde life de m****
Le 28 décembre prochain, Canal + diffuse "La vraie vie des mondes virtuels", un documentaire sctochant sur les jeux on-line tels que Second Life ou World Of Warcraft. Réalisé par le journaliste Frédéric Brunnquell, cette plongée en apnée dans les mondes pixelisés nous fait découvrir l'envers d'un système cannibalisé par le profit et aux mains de véritables dealers numériques. Et si votre seconde life était encore plus pourrie que la première ?
« Les mondes virtuels abolissent les notions de frontières. Là, par exemple, pour venir me voir, vous avez dû prendre l’avion, ça vous a pris du temps. Qu’avez-vous fait de ce temps ? » Cette phrase énigmatique, tirée du documentaire « La vraie vie des mondes virtuels », est d’Anshe Chung, jeune prof dans le civil et véritable exécutive woman millionnaire dans Second life, un des « jeux » de réalité virtuelle les plus en vogue du moment. Réalisé par le journaliste Frédéric Brunnquell de l’agence Capa et diffusé sur la chaîne cryptée le 28 décembre prochain, « La vrai vie des mondes virtuels » est le premier documentaire en immersion dans les eaux troubles de ces univers pixelisés où des millions d'internautes se construisent chaque jour une autre vie.
"Besoin de ces deux vies distinctes"
« Ce qui m’a le plus frappé, nous confie Frédéric Brunnquell, c’est à quel point les joueurs les plus accros, ceux jouant jusqu’à 14 heures par jour, réussissaient à oublier totalement leurs corps. Il devient une charge appartenant à un monde qui ne les concerne plus ». Débarrassés des contingences corporelles et des emm*rdes quotidiennes, ces espaces où les pixels font office d’enveloppe charnelle connaissent un succès tel que 20 % des joueurs les considèrent comme leur lieu de vie réelle. Pour se rendre compte de leur puissance addictive, Frédéric Brunnquell s’est lui-même créé un avatar, offrant ainsi un rendu visuel à son documentaire alternant entre séquences numériques et plans traditionnels. Le résultat, valant principalement pour la force des témoignages des grands acteurs de ces exutoires modernes, nous renvoie en plein visage une perception collective de vacuité de notre quotidien. Ainsi Anshe Chung, après avoir fait de son personnage une véritable icône, reconnue par toute la communauté de Second Life, a eu l’idée de se lancer dans le commerce de terrains vierges virtuels car elle « s’ennuyait dans {sa] petite vie de prof, à élever mes deux enfants. J’ai choisi d’avoir cette autre vie à côté, plus excitante car j‘y suis une star alors que dans la vie réelle, personne ne me connaît. Mon équilibre a besoin de ces deux vies distinctes ».
A la tête d’une entreprise implantée en Chine réunissant une quinzaine de personnes, Anshe, en bonne sous-traitante, dispense chaque matin par web-cam à ses employés les indications nécessaires afin de répondre aux demandes de ses quinze mille clients. Une jolie façon d’arrondir grassement ses fins de mois tout en vivant par procuration une vie qu’elle n’aura jamais. Mais aussi un transfert poussé jusqu’au mimétisme physique lorsque, très fièrement, la jeune femme nous explique qu’elle s’est tatouée les mêmes motifs que son avatar et s’habille dorénavant de vêtements identiques afin de lui ressembler le plus possible.
"Une sépulture numérique"
Déjà mise en lumière par des chercheurs comme Francis Jauréguiberry via l’étude comportementale des chatteurs lors des débuts d’internet, ces nouveaux espaces d'expérimentation se caractérisent par une porosité assez inquiétante entre réalité et virtualité. Jon Jacobs, par exemple, alias Neverdie, artiste touche à tout et propriétaire d'un terrain virtuel acheté 100 000 dollars sur Entropia, a ainsi bâti un centre commercial où sont présentes des enseignes tel qu'American Apparel et une discothèque de taille gigantesque où des avatars de tous les pays se déhanchent, boivent des coups, se draguent, bref échangent des émotions sans savoir réellement avec qui. Chaque jour, devant son écran, Jon fait les comptes des nombreux appartements et objets de décorations virtuels qu’il revend à prix d’or aux clients d‘Entropia. Dans cet univers numérique, Jon s’est peu à peu reconstruit son propre monde parallèle dans lequel il va, quotidiennement, se recueillir sur la sépulture numérique de sa douce, morte d’une embolie pulmonaire un an plus tôt.
"Dealeurs new-school"
Mais le plus fou n’est pas tant la ferveur que rencontre ces espaces virtuels que le business qu’ils génèrent. On compte aujourd’hui plus de vingt millions d’internautes présents dans ces mondes parallèles, chacun dépensant en moyenne 100 euros par mois. Et leur nombre serait en augmentation de 20 % chaque année. Certains ne s’y sont pas trompés et ont su capitaliser avant tout le monde le potentiel pécunier de ces espaces numériques, tel ces entrepreneurs crevards surfant sur le succès de World of Warcraft pour mettre au point un commerce illégal de pièces d’or -objets indispensables pour avancer dans les différents niveaux du jeu- au grand dam de Blizzard Entertainement, éditeur du jeu. Ou encore ce buziness man chinois embauchant des gameurs addicts pour travailler douze heures par jour afin de créer des objets virtuels qui seront ensuite écoulés sur le marché américain. Profiter de l’angoisse que génère la vie réelle pour nourrir leurs ambitions capitalistique dans le monde virtuel, telle semble être la mission de ces dealeurs new-school. Les mondes numériques n’ont décidément plus rien d’utopiques. Ils sont aujourd’hui une parabole maladroite de notre vie. En presque aussi chiant et en bien plus cher.
« La Vrai Vie des Mondes virtuels » de Frédéric Brunnquell et Olivier Rousseaux.