Autant qu'une question d'instruments et de sonorités (recrées, puisqu'on ne sait pas de quelle façon chantaient les Grecs), je pense que c'est aussi et surtout une histoire de gammes...
L'épitaphe de Seikilos se construit selon un mode mixolydien (un 1/2 ton entre les 3ème/4ème et les 6ème/7ème notes), qui n'est plus guère utilisé de nos jours mais qu'on entend souvent dans la musique médiévale. On le retrouve d'ailleurs dans la gamme de certains instruments de musique anciens : les notes de la cornemuse écossaise suivent par exemple un mode mixolydien.
Sinon,
earthmaze, c'est une belle version de l'épitaphe de Seikilos que tu as déniché. J'aime bien les dernières 30 secondes avec la flûte et le simili-aulos, je suis moins convaincu par la sonorité du chant (un poil trop moderne à mon goût) et la prononciation du grec... mais bon, je pinaille...
Je comprend tout à fait ce que tu exprimes, lorsque tu parles du « lien » qui peut se créer entre deux personnes éloignées de plusieurs centaines, voire milliers d'année par le biais de la musique. Je le ressens parfois, mais plutôt pour la musique médiévale ... Bien que de façon globale, les chansons de cette époque aient tendance à être moins métaphysiques que l'épitaphe de Seikilos : les chrétiens du Moyen-Age se posaient peut-être moins de questions sur la mort, dans la mesure où ils pensaient leur vie éternelle assurée au Paradis ?
De manière générale, je trouve qu'on a souvent tendance à prendre les gens d'autrefois pour des andouilles sous prétexte que la majorité était illettrée et qu'ils n'avaient pas une compression du monde aussi poussée que la notre... Mais il suffit de se pencher sur certains textes anciens pour s'apercevoir que leurs questionnements étaient tout à fait modernes et qu'ils avaient une conscience aigüe de la brièveté de l'existence humaine (peut-être, justement, parce qu'ils étaient davantage confrontés à la mort dans leur quotidien que nous ne le sommes de nos jours).
Certaines versions de l'épopée de Gilgamesh (rédigées aux environs de - 2000 avant notre ère) ont également de très beaux vers sur ce thème.
Deux petits morceaux anciens qui me semblent intéressants, pour la route :
- un qui, selon la légende, aurait été écrit par Richard Coeur de Lion en 1194 alors qu'il était emprisonné dans les geôles du roi Henri VI du Saint Empire Germanique... Chanson écrite en langue d'oc (puisque bien qu'étant roi d'Angleterre, Richard n'a presque jamais mis le pied outre Manche et il avait grandi dans le Limousin) puis traduite en langue d'oil par les trouvères de l'époque,
les paroles et traductions sont visibles ici. - un chant de guerre de Croisés, écrit au XIIème siècle celui-ci (et anonyme). Juste pour se replonger dans l'ambiance de l'époque et voir de quelle façon la musique, elle aussi, se faisait un instrument de propagande en faveur des Croisades...
Texte original en langue d'oil et traduction par ici !