Je profite de cette rubrique témoignage car j'aimerais partager avec vous cette expérience unique dans ma vie qui m'est arrivée au cours de mon adolescence. Je devais avoir 14 ans, et pourtant je me souviens encore de cette histoire comme si je l'avais vécue hier. C'est la première fois que j'en parle librement sur un forum. Peu de personnes en sont au courant.
J'étais alors partie en classe verte du côté de Lus-la-Croix-Haute, un village situé dans la Drôme et qui comme bien des communes n'avait pas échappé à de nombreux et intenses combats durant la Seconde Guerre Mondiale. Mais à cette époque je n'avais pas connaissance de tout cela dans mon jeune esprit d'adolescente...
Nos moniteurs avaient pris l'habitude de nous emmener nous promener en forêt, la période était idéale puisqu'elle se situait au mois de juin. Il faisait alors un temps magnifique, et je profitais de la joie de vivre qu'on peut avoir à cet âge là, riant avec mes camarades. Ceci pour vous montrer l'état d'esprit dans lequel je me trouvais à ce moment là.
Nous avons soudain franchi de petits buissons, et sommes arrivés sur un petit pré. Je me rappelle encore très bien de son herbe toute jaunie et desséchée. On avait d'ailleurs une vue magnifique. A ce moment là et au bout de quelques secondes seulement, j'ai commencé à me sentir mal. Une sensation d'oppression, de tristesse indéfinissable que je compare aujourd'hui comme à une forme de dépression intense, avec idées noires et forte envie de pleurer. Une impression que je n'ai plus jamais ressentie à un degré aussi élevé. Mais Le plus difficile pour moi a été soudain de voir apparaître à quelques mètres l'image d'un jeune homme habillé à la mode des années 40. Mèche sur le devant du front, chemise blanche ouverte au niveau du col, pantalon brun. L'image s'arrêtait au niveau des genoux. Elle était transparente, très difficile à percevoir et demandait une concentration intense, mais elle était fixe, comme une photographie. Je constatais par ailleurs que cet homme portait un fusil dans la main droite, et levait le bras gauche comme en signe de ralliement. Difficile de comprendre le sens de cette vision, mais ce qui m'avait alors le plus frappée, c'était l'expression de son visage. Une impression de désolation, de désespoir s'en dégageait, comme une lutte perdue d'avance, et j'avais l'impression de ressentir physiquement ce que je "voyais" visuellement. Il me semblait d'ailleurs que d'autres personnes étaient présentes derrière elles, mais impossible de les identifier. D'autres présences mauvaises semblaient également tapies tout autour, comme attendant ces gens pour leur tendre un piège... Nous avons ensuite quitté ce pré, et au fur et à mesure que je m'éloignais de l'endroit, ma gaieté habituelle revenait.
Je ne pensais plus vraiment à cette étrange histoire lorsqu'un autre après-midi nous nous arrêtons à nouveau sur ce pré. Même réaction que la fois précédente, une impression de tristesse et d'oppression indéfinissable avec vision identique. A noter qu'aucun de mes camarades ne semblait voir ni ressentir quoi que ce soit. Cette fois ci en revanche l'impression avait été si forte que j'avais fondu en larmes. Je m'en étais d'ailleurs expliquée à l'un de mes camarades supris de me voir pleurer. J'avais alors pensé demander à mon instituteur si quelque chose de particulier s'était passé à cet endroit, mais qu'aurait-il pensé en me voyant pleurer et en m'entendant parler de fusil ?...
Quelques années plus tard en consultant un livre d'histoire, je suis tombée sur une image identique à celle que j'avais vue ce jour là : un homme avec une chemise blanche, fusil à la main, mèche sur le front. Il s'agissait d'un résistant. Des années après j'éprouve toujours encore une impression étrange lorsque je repense à cette histoire. Il s'agit là d'un fait unique dans ma vie qui ne s'est d'ailleurs jamais reproduit.
Pardon pour la longueur de ce texte (si vous avez eu le courage de poursuivre jusque là

), mais je tenais vraiment à pouvoir un jour oser partager cette expérience qui m'a marquée de façon indélébile.