Maintenant, le point qui me semble le plus délicat…
En aveugle
Avez-vous déjà entendu parler du cheval qui savait compter ? Cette histoire est vraie, si cela vous intéresse, je dois pouvoir vous trouver une référence. Une dame croyait posséder un cheval qui savait compter des opérations simples. Par exemple, si on lui demandait de compter 5+2, il battait du sabot 7 fois. Mais un jour, quelqu’un a voulu refaire le test, mais en demandant à la maîtresse du cheval de ne pas être présente. Et en l’absence de sa maîtresse, le cheval a compté n’importe quoi ! Cela signifie-t-il que la dame trichait en lui communiquant à quel moment s’arrêter de taper du sabot ? Non. Elle ne trichait pas, elle était de toute bonne foi, mais elle lui communiquait quand même à quel moment s’arrêter ! En fait, dès que le cheval venait de taper le nombre correct de coups, sa maîtresse avait un frémissement, une anxiété, puisqu’elle s’attendait à ce que son cheval s’arrête. Et ce frémissement presque imperceptible était perçu par son cheval, qui s’arrêtait de taper, sans doute parce qu’il avait remarqué que sa maîtresse était alors très contente qu’il s’arrête de taper. Pour lui, s’arrêter de taper quand sa maîtresse frémissait signifiait lui faire plaisir, et sans doute avoir droit à une grande caresse ! Et voilà une expérience faussée involontairement, sans avoir voulu tricher.
Un autre exemple d’expérience faussée en toute bonne fois… Lorsque l’on teste un médicament, on le teste contre placebo, c’est-à-dire que l’on donne un vrai médicament à un groupe de malades, et un placebo à un autre groupe de malades, et on observe si le groupe qui a reçu le médicament guérit mieux que le groupe qui n’a reçu que le placebo. Pendant longtemps, les médecins qui donnaient leur traitement aux malades ont su s’ils distribuaient un médicament ou un placebo : c’était ce que l’on appelait du simple aveugle, c’est-à-dire que le malade ne savait pas s’il recevait un médicament ou un placebo, mais le médecin le savait. Jusqu’au jour où on a distribué du placebo à tout le monde, mais en faisant croire à certains médecins qu’ils allaient distribuer un vrai médicament. Le résultat fut impressionnant : dans le groupe ayant reçu un placebo distribué par un médecin croyant distribuer un vrai médicament, les guérisons avaient été bien meilleures que dans le groupe pour lequel les médecins savaient qu’ils distribuaient un placebo ! Les médecins modifiaient donc involontairement l’effet placebo, simplement parce que leur comportement était différent suivant qu’ils pensaient distribuer un médicament ou un placebo. Encore une fois, aucune idée de tricherie, juste un biais qui fausse l’expérience. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les tests de médicaments sont réalisés en double-aveugle : les malades ne savent pas s’ils reçoivent un médicament ou un placebo, mais les médecins ne savent pas non plus ce qu’ils distribuent, ils ne connaissent que le numéro de la pilule qu’ils distribuent.
Ces deux histoires me permettent d’introduire ce que l’on appelle une expérience en aveugle : c’est une expérience dans laquelle la personne “testée” ne sait pas quel résultat elle doit obtenir, mais dans laquelle l’expérimentateur ne le sait pas non plus. Cette rigueur permet d’éviter tout biais subjectif involontaire qui influencerait le résultat. Aujourd’hui, seules les expériences réalisées en aveugle sont considérées pertinentes, les autres présentant a priori des biais.
Qu’en est-il dans votre cas ? Je caricature pour m’exprimer simplement… Imaginons que vous réalisiez cette expérience avec seulement votre père. Il rentre dans la pièce voisine à la vôtre avec le heurtoir, le dépose, vient vous rejoindre et vous demande où est l’objet. Il risque d’être un peu anxieux, se demandant si vous allez vraiment ressentir les ondes négatives de cet objet… Même involontairement, même en essayant de se contrôler, il risque de vous communiquer un peu de son anxiété. Si vous êtes alors à votre tour anxieuse, stressée, vous allez mettre ça sur le compte de la présence du heurtoir dans la pièce voisine… A l’inverse, si votre père rentre dans la pièce voisine, fait semblant de déposer le heurtoir, vient vous rejoindre et vous demande où se trouve l’objet, il sera plus détendu puisque vous n’avez rien à trouver, et puis sans doute amusé d’avoir fait semblant de déposer le heurtoir. Comme il sera détendu, il risque de vous détendre aussi, et vous sentant bien, vous conclurez à l’absence du heurtoir…
Toujours en caricaturant, imaginons que le signal vous indiquant que vous devez dire si vous ressentez la présence de l’objet soit un coup dans le mur, ou une porte qui se referme, mais sans contact direct avec vous. Il peut là aussi y avoir des biais : le coup peut être plus ou moins fort suivant que la personne est anxieuse ou pas, la porte fermée plus ou moins fort, ou tout simplement la personne peut marcher plus ou moins vite pour quitter la pièce rapidement ou pas… Involontairement, il y a une foule de comportements qui peut influencer l’expérimentateur et par suite vous-même.
D’après ce que vous avez écrit, il semble peu probable que votre mère accepte de vous aider, et vous risquez donc de devoir procéder seule avec votre père. A deux, il va être impossible de réaliser un double-aveugle. Il va donc falloir s’arranger pour éviter le plus de biais possibles, en sachant que ce ne sera pas parfait. J’ai des idées, mais qui dépendent de la configuration de la maison et de ce que votre test de préparation donnerait comme résultat. Nous pourrons donc revenir sur ce point si vous décidez de réaliser cette expérience.
Pour conclure sur ce point, réaliser une expérience en aveugle, c’est s’affranchir des biais involontaires et inconscients que transmet un expérimentateur qui connaît le résultat attendu à l’expérience. C’est la garantie d’une expérience rigoureuse.
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