Article un peu complémentaire, paru aujourd'hui alors je mets ici.
Se débarrasser de la carcasse d'un grand cétacé échoué comporte des risques explosifs, comme l'a montré un épisode récent aux Iles Feroé.
Mais qu’est-ce qui fait sauter les cétacés ? Dans une vidéo circulant depuis mercredi sur internet, on voit un héroïque équarisseur s’apprêter à découper la carcasse d’un cachalot (Physeter macrocephalus) échoué aux Iles Féroé, puis reculer en toute hâte lorsqu’une explosion soudaine projette à plusieurs mètres une abondante quantité d’intestins et autres viscères, ainsi que leur contenu. Âmes sensibles attention, c’est un peu sale.
(vidéo)
La bête morte s’étant échouée avec deux de ses congénères, les autorités locales ont pris la décision de découper la carcasse afin d’éviter que sa décomposition ne pose un risque sanitaire. Or, les dépouilles de grands cétacés morts, une fois à terre, présentent ce risque : elles ont une fâcheuse tendance à exploser.
Que se passe-t-il au juste ? Tout d’abord, et au risque d’enfoncer une porte ouverte, une baleine, un cachalot, sont faits pour vivre en mer. Dans l’eau, la masse de leur corps, suivant le principe d’Archimède, est soutenue proportionnellement à leur volume. Une fois à terre, rien de tel. Les baleines échouées meurent ainsi généralement suffoquées, car leurs poumons, écrasés sous la masse de leur propre corps, ne peuvent plus fonctionner normalement. A cela s’ajoute de surcroît la déshydratation qui les frappe à l’air libre.
Une fois le cétacé passé de vie à trépas, la décomposition s’enclenche donc dans un espace comprimé par plusieurs tonnes de chair et de graisse. La présence dans le système digestif du cachalot des poissons ayant composé ses derniers repas accentue le phénomène, et des poches de gaz sous pression se forment rapidement. Dès lors, la moindre occasion de sortir est mise à profit et les personnes alentours sont bien avisées de s’éloigner.
Le phénomène est connu et n’est pas sans précédent. En 2004, les habitants de Tainan, dans le sud de Taiwan, étaient venus en nombre admirer la carcasse d’un cachalot échoué. Plus précisément son imposant pénis, précise la dépêche Reuters publiée à l’époque sur le site de NBC News. Soudain, alors que le cachalot, posé sur la remorque d’un camion, était transporté vers un site de recherche pour y être disséqué, ses entrailles ont pris leur envol pour arroser copieusement la chaussée, et qui plus est en passant par le dos : la nécropsie révéla par la suite que le cétacé avait succombé à une blessure à la colonne vertébrale causée par un bateau. La plaie fournit donc une échappatoire toute trouvée aux gaz sous pression.
Le phénomène des baleines explosives doit également de sa notoriété à une tendance bien moins naturelle : il semble parfois commode de se débarrasser d’une carcasse échouée en la garnissant de dynamite pour l’éparpiller façon puzzle. Cette pratique a son mythe fondateur avec la «baleine explosive de Florence, Oregon». En 1970, les autorités locales espèrent réduire à néant la dépouille en la faisant sauter en direction de la mer. Mal maîtrisée, l’explosion projette de la viande de baleine à plus de 200 mètres à la ronde, ainsi que le raconte cet enthousiaste et primesautier reportage de la chaîne Discovery Channel.
Ce maladroit épisode entra par la suite dans le folklore américain, bel exemple de ce que l’on ne nommait pas encore un «epic fail». On ignore en tout cas de quelle manière le réseau social Twitter s’est récemment débarrassé de la baleine qui ornait sa page d’erreur. Un sujet à creuser.