Le parallèle Jules Verne – Edgar Poe Edgar Poe et Jules Verne , les deux grands écrivains très imaginatifs du XIXème siècle semblent être séparé par un abîme de différences.
L’aîné semble plus taciturne, plus ambigu dans ses textes, son sens de la réalité semble fortement teinté d’un mysticisme dont le fond profond nous échappe. Le français, son cadet (et admirateur, on le verra plus tard) ne s’engagera jamais dans le même registre : rigoureux, précis, non avare de détail dans ces récits, il en devient lourd à force de vouloir être concret et crédible dans tous ses romans…
Ces deux là n’étaient donc pas fait pour se rencontrer et d’ailleurs, ils ne se rencontreront jamais. Normalement, il n’y aurait devoir aucune estime de l’un pour l’autre, tant le genre est différent…
Erreur ! Jules Verne, le petit nantais avide de modernisme et de concret fut un admirateur sans faille du poête bostonien, la terminologie moderne nous ferait donc écrire, pour être dans l’air du temps :
un fan !
Jules n’hésitera pas, près de 60 ans après la mort d’Egar Allan, à écrire une suite à son plus célèbre roman : « les aventures d’Arthur Gordon Pym », une suite qui se voulait être le point d’orgue final et l’achèvement d’une histoire que Poe ne put ou ne sut jamais terminer, sa fin nous laissant sur notre faim.
Le roman vernien, cette suite inspirée par le roman de Poe, s’intitule «Le sphinx des glaces», un de ses derniers romans et aussi un des plus méconnus. (Il parut en feuilleton dans le "Magasine d'Éducation et de Récréation" juste avant la fin du siècle), voir le sujet sur wiki
Verne n’ose pas atteindre ce point culminant de l’imagination qui fit la renommée de l’auteur du « Corbeau ». Il sait, d'ailleurs, qu’il ne le peut pas, alors il transige, il digresse, il fait du «Verne» qui évoque du «Poe»…
Et c’est là qu’on atteint le sublime de la littérature transocéanique, car le contraste des deux romans est tout bonnement fabuleux. C’est quasiment la même aventure, les mêmes lieux, les mêmes personnages (Quoique interchangeables) et, pourtant, ce sont deux romans fondamentalement différents. Là où l'américain laisse éclater son délire, le français retient son inspiration et là où le nantais relate au poil près la forme des nuages et la force du vent, le bostonien reste d’une énigmatique imprécision…
- En fait, L’ignorance de Poe sublime la verve de Verne !!
Par delà la mort ils se sont rencontrés, ils se sont confondus le temps d’une aventure scellant génie et admiration, déférence et hommage. L’exemple le plus sublime d’un échange littéraire du XIXème siècle !
Mais abordons maintenant, un aspect inconnu de ces oeuvres. Ces deux récits totalement délirants évoquent la découverte d’une ile inconnue (voire "mystérieuse"
) au cœur de l’Antarctique ainsi que les pérégrinations extraordinaires mi-loufoque, mi-tragique de Pym et des deux capitaines Guy.
Malgré des invraisemblances, Poe comme Verne ( plus subtilement pour ce dernier ) ont insisté pour expliquer aux lecteurs que ce récit est purement « véridique ».
Particulièrement le passage qui relate la scène de cannibalisme entre les survivants d’un naufrage qui mangent un de leurs compagnons afin de survivre ( quatre personnes ). Ce passage est la clé du roman de Poe et l’argument principal de Verne. On n’y est pas avare de détail pour en rajouter afin de rendre plus ou moins invraisemblable ce passage peu ragoutant…
Mais… Car il y a un mais…
… Car selon le London Sunday Time cette scène de cannibalisme eut lieu dans des circonstances analogues avec au moins un nom identique que dans le texte du roman de fiction ! Selon le jugement du tribunal de Bristol un homme fut mangé par ses 3 compagnons en dérive devant l’Antarctique (donc quatre, comme dans le roman) et son nom était Richard Parker… Cela se passa en 1881.
Le problème, c’est que le roman de Poe qui relate ces faits fut écrit en 1837 ! Jules Verne fut peut-être au courant car il écrivit la suite en 1893, la seule modification qu’il fit dans sa suite du roman de Poe, c’est le nom de la victime…(En égard pour la famille du cannibalisé ?)
Dingue Non ?
Source « Les phénomènes étranges du Monde » Ed. du Rocher
Sinon lire, bien sur : « les aventures d’Arthur Gordon Pym » E.A Poe 1838 Livre de Poche
Et « le sphinx des glaces » J. Verne 1896 Les Editions du CarrouselLCB (texte écrit en 2002)