Une histoire bien émouvante qui m'a fait verser quelques larmes !
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Anne-Marie et Maximilian ont reçu une assistance pour mettre fin à leurs jours. Un cas exceptionnel sur lequel le Dr Jérôme Sobel accepte de se confier avec l'aval de la famille.
Le faire-part comportait deux noms: Maximilian Raiber et Anne-Marie Rothen. Il s'achevait par un mot sobre, mais qui résumait tout: «Ensemble dans la vie, ensemble dans la mort». Il a paru mardi dans 24 Heures. Maximilian et sa compagne, Anne-Marie, précisait encore l'avis mortuaire, ont décidé de quitter ce monde, entourés jusqu'à leurs derniers instants par les leurs.
Maximilian, 78 ans, chef polisseur à la retraite, et Anne-Marie, 61 ans, secrétaire de formation, étaient tous deux membres d'Exit, Association pour le droit de mourir dans la dignité. Ils se sont donné la mort samedi matin, chez eux, à Lausanne, dans l'une des tours de Valmont, en présence de leurs enfants et de deux membres d'Exit, dont le président de l'association, le Dr Jérôme Sobel.
«Terrible cas de conscience»
Un couple qui choisit de s'en aller en buvant au même instant la potion préparée par Exit: la situation est plus qu'exceptionnelle. C'est même la première fois que le Dr Sobel la vivait. Et il ne le cache pas: «Elle m'a posé un terrible cas de conscience.» Avec l'aval de la famille, il a accepté d'évoquer les circonstances qui ont amené et permis ce double suicide assisté.
Maximilian souffrait d'une sorte de cancer du sang depuis 2002; Anne-Marie, de sclérose en plaques depuis 1976. La maladie de chacun était incurable et toujours plus invalidante. «L'un et l'autre auraient pu obtenir l'aide d'Exit à titre individuel, dit Jérôme Sobel. C'est la raison pour laquelle nous avons accepté leur demande. J'insiste sur ce point, car le cas est très différent de celui d'un couple qui voudrait s'en aller parce que l'un des conjoints serait malade et l'autre, bien qu'en bonne santé, souhaiterait l'accompagner. Heureusement, ces demandes-là sont rares. Et Exit n'entre pas en matière.»
Maximilian et Anne-Marie s'étaient connus à l'hôpital il y a vingt ans. Il était veuf, père de trois enfants. Elle était célibataire. Depuis lors, ils ne s'étaient plus quittés. C'est un couple, dit leur entourage, qui vivait le parfait amour. La présence de l'un pour l'autre était même la seule chose encore capable d'atténuer la souffrance que leur infligeaient leurs maladies respectives.
En juin dernier, ils ont fait part à Exit de leur désir d'en finir. «Nous n'avons jamais le droit à l'erreur, dit le Dr Sobel, et cette fois nous l'avions encore moins. Nous avons donc établi un dossier inattaquable tant du point de vue médical que légal.»
Un dossier constitué au fil des semaines. D'abord par une attestation des médecins traitants, décrivant chacun la nature irréversible et de plus en plus invalidante de la maladie. Ensuite par un document notarié dans lequel Maximilian et Anne-Marie confirmaient leur volonté de mettre fin à leurs jours. Enfin, bien sûr, par plusieurs rencontres d'Exit avec le couple et leurs enfants.
Côte à côte
«La veille du jour qu'ils avaient retenu pour leur départ, nous avons encore eu un colloque avec eux et leurs proches. C'était notre devoir de leur montrer qu'ils pouvaient continuer à vivre, avec de l'aide extérieure ou en entrant en institution. Mais leur volonté était inébranlable. Ces dernières semaines, Anne-Marie m'avait dit: «Aidez-moi à partir avec mon chéri. Si vous ne le faites pas, je monterai sur le sommet de la tour pour me jeter dans le vide.»
Accompagner un mourant est toujours un moment terriblement éprouvant, poursuit le Dr Sobel. «Mais, cette fois, les choses risquaient d'être encore plus pénibles. Nous y sommes donc allés à deux. Il se pouvait que l'un des conjoints meure plusieurs heures après l'autre; il arrive en effet que la potion létale plonge certaines personnes dans le coma avant d'entraîner le décès. Nous voulions être prêts à seconder les enfants, qui étaient là, si cette situation douloureuse se produisait.»
Heureusement, rien de tel n'a eu lieu. «A 9 h 50, le couple a pris place dans son lit, raconte le président d'Exit. Ils ont absorbé le mélange que nous avions apporté. Puis se sont étendus, côte à côte. Ils ont rendu le dernier soupir après un quart d'heure. En même temps. A la même minute. Et en se tenant par la main. C'est le dernier présent, magnifique, que la vie leur a fait.»
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