Bonjour,

Il y a de fortes chances que vous ayez du tantale ou du niobium dans votre poche lorsque vous lisez ces lignes.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tantale_%28chimie%29
http://fr.wikipedia.org/wiki/Niobium

Ce sont tous deux des métaux denses, résistants à la chaleur et non corrosifs qui conservent bien une charge électrique - qualités qui les rendent vitaux pour les téléphones mobiles.
Au milieu des années 1990, les fabricants de portables commencèrent à se pourvoir en niobium et surtout en tantale auprès du premier fournisseur mondial, la République démocratique du Congo, alors appelé Zaïre.
Je passe sur le Rwanda voisin et son génocide... peu se souviennent que, en 1996, le gouvernement Rwandais en exil, formé de Hutus, passa la frontière du Congo pour y trouver refuge.
Ce fut là le départ d'un feu de brousse nourri par une décennie de foyers de violence interraciale accumulés. Finalement, neuf nations et deux cents tribus ethniques, chacune avec ses propres alliances ancestrales et vieilles querelles non résolues, se firent la guerre dans les profondeurs de la jungle.
Néanmoins, si seules des armées de grande envergure avaient été impliquées, le conflit du Congo se serait vraisemblablement éteint de lui-même. Le réseau routier y est quasi inexistant, ce n'est donc pas l'endroit idéal pour mener une guerre prolongée. De plus, les villageois pauvres ne peuvent se permettre de partir au combat à moins qu'il n'y ait de l'argent à gagner.

C'est alors qu'entrent en scène le tantale, le niobium et la technologie téléphonique cellulaire :

Il est clair que ce ne sont pas les téléphones portables qui ont causé la guerre, mais la haine et la rancune. Mais il est tout aussi clair que le conflit a été alimenté par l'argent.
Ces deux métaux, qui se mélangent dans le sol sous la forme d'un minerai, le Coltan. http://fr.wikipedia.org/wiki/Coltan

Le nombre de portables vendus passa de pratiquement zéro en 1991 à plus d'un milliard en 2001, la soif en coltan du monde occidental se révéla aussi forte que celle de Tantale, et le prix du minerai fut multiplié par dix.
Les fabricants ne se souciaient pas d'où venait le coltan, et les mineurs congolais n'avaient aucune idée de la destination du minerai, ils savaient seulement que les Blancs payaient pour en avoir et qu'eux-mêmes pouvaient utiliser les bénéfices pour soutenir les milices de leur choix.
Bizarrement, c'est le caractère démocratique du coltan qui rendit le tantale et le niobium si nocifs.
Contrairement à l'époque où des Belges véreux avaient la haute main sur les mines de diamants et d'or du Congo, nul conglomérat ne contrôlait le coltan, le premier venu n'avait qu'à prendre une pelle et se baisser dans le lit des rivières pour en ramasser plusieurs kilos (le coltan ressemble à une boue épaisse).
En quelques heures, un agriculteur pouvait gagner vingt fois ce que gagnait son voisin en un an... dès que les bénéfices s'envolèrent, les hommes abandonnèrent leurs exploitations pour faire de la prospection.
Ce qui désorganisa le ravitaillement alimentaire du Congo, déjà fragile, et les gens commencèrent à chasser les gorilles pour leur viande et les exterminer presque complètement, comme autant de bisons.
Mais la mort des gorilles n'est rien en comparaison des atrocités humaines.

Il n'est jamais souhaitable que l'argent coule à flots dans un pays sans gouvernement...

Une forme brutale de capitalisme s'imposa, dans laquelle tout, y compris la vie humaine était à vendre. D'immenses "camps" clôturés dévolus à l'esclavage sexuel furent créés et des chasseurs de primes perpétrèrent d’innombrables crimes de sang. Il a circulé des histoires horribles de fiers vainqueurs qui humiliaient les corps des victimes en dansant drapés dans leurs entrailles.
La flambée de violence atteignit son paroxysme entre 1998 et 2001, date à laquelle les fabricants de téléphones se rendirent compte qu'ils étaient en train de financer l'anarchie.
Tout à leur honneur, ils commencèrent à acheter du tantale et du niobium en Australie, bien que plus cher évidemment, et la tension retomba au Congo.
Malgré une trêve officielle mettant fin à la guerre en 2003, le calme ne revint jamais vraiment dans la moitié Est du pays près du Rwanda.
Depuis, c'est l'étain qui à commencé à financer les combats... (en 2006, l'Union européenne a interdit la soudure au plomb dans les biens de consommation) Congo, encore une fois se trouve en posséder d'immenses réserves !



Au total, plus de cinq millions de personnes sont mortes au Congo depuis le milieu des années 1990, ce qui représente la plus grande perte en vies humaines depuis la Seconde Guerre mondiale.

De quoi avoir la banane pour le reste de la journée.

Je connaissais un peu les ignominies du Rwanda, mais je ne connaissais pas cette course aux minerais, merci pour l'info.

De rien, c'est un plaisir !

Einridi, c'est bien, ok, mais c'est pas la première, ni la dernière fois qu'il y aura ce genre de problème.

N'oublis pas les fameux "diamants de sang" qui ont alimenté la guerre en Sierra Léone, et autre ...

Ni les pierres précieuses, notament le Jade, qui à permis de maintenir au pouvoir la junte militaire Birmane ...

ni ... etc ...


Je te dirai, une fois de plus .... et la suite, c'est quoi ?

Partout, de petits conflits oubliés continuent de faire d’innombrables victimes, loin des caméras et dans l’indifférence du « monde civilisé ». La fin de la guerre froide et la disparition de l’Union soviétique ont abouti à un « désintérêt international » pour toutes ces « zones grises » dont le contrôle n’est plus un enjeu économique ou stratégique, pour toutes ces guerres dont la capacité de nuisance à l’échelle internationale est limitée. Se dessine ainsi une nouvelle division entre un « monde inutile », dont la stabilité ne justifie pas la mort d’un seul soldat occidental et un « monde utile » sur lequel se concentre l’intérêt des puissants.

Le dépeçage de la République démocratique du Congo dont on est sensé débattre sur ce post n'est qu'un exemple parmi tant d'autres...

On recense à l’heure actuelle près de 400 conflits d’intensités diverses dans le monde. Certains d’entre eux durent depuis des décennies et la fin des hostilités semble encore lointaine. Même s’ils ne remplissent plus les colonnes des journaux, ni les choux gras de la télévision, ils continuent de provoquer leur lot de mort et souffrance.