Voici ma nouvelle,en espérant en lire d'autres bientôt:)
LE SIGNE DU DESTIN
Aprés une rupture amoureuse délicate et un licenciement économique dont je fus victime,il fallait que je m'isole.N'ayant pas assez d'argent pour aller à l'autre bout du monde,je demandais à un de mes meilleurs amis s'il pouvait me prêter sa maison dans l'Orne,assez éloignée de toute civilisation,pendant une durée indéterminée.Il me répondit par l'affirmative,tout en me précisant que lui et sa famille n'y allaient plus depuis des mois.
Je pris ma voiture et suivis le plan qu'il m'avait donné pour me diriger dans les routes sinueuse de Normandie.Sur le chemin,j'en profitais pour faire assez de courses pour une semaine.Charcuterie,brochettes,quiches,fruits,bières,café,cigarettes.
Je suivais le chemin caillouteux et clairsemé d'herbes et garais ma voiture devant cette maison à l'aspect rustique.Je découvrais cet intérieur poussiéreux qui sentait le bois et la cendre,les chaises rangées sous la table et la fraîcheur ambiante qui parcourait mon corps.Une cuisine,un salon,une salle de bain et une chambre.Pas de télévision,pas de radio,pas d'internet.J'étais coupé du monde et c'était ce que je voulais.Un vieux téléphone me rattachait à mon ami,qui m'appelerait pour vérifier si tout va bien.Je coupais également mon portable.J'étais seul et confronté à mon passé que j'oubliais en me plongeant dans les romans que j'avais acheté.Je ne croyais plus en rien.Tant de déconvenues en si peu de temps.
Je me préparais un barbecue dans le large espace vert non tondu et bordé par la forêt,en faisant brûler du bois autour d'un cercle de pierres,et j'y faisais rôtir mes brochettes quand les braises furent bien chaudes.Je les disposais sur la grille du four qui tenait sur les pierres.La nuit était tombée et je dégustais mes brochettes tout en sirotant ma bière.Je m'allumais une cigarette,quand soudainement j'entendis un bruit.Comme quelque chose que l'on gratte.Sûrement un animal me dis-je,mais par prudence,je préférais me saisir du tisonnier au bout incandescent.Le bruit dura deux bonnes minutes et je vis s'allumer comme une flamme d'alumette prés de l'arbre au fond à droite du "jardin".Observant ce curieux phénomène,je me levais lentement,brandissant le tisonnier au cas où un rodeur m'attaque.La flamme s'éteignit et je perçus un vague bruit de broussailles,qui me paraissait être celui d'un humain.Puis le silence,mis à part les oiseaux de nuits et les insectes qui se livraient à leur chant habituel.J'optais pour le repli,l'obscurité épaisse me décourageant de prendre un risque quelconque.Par ailleurs,je n'avais pas de lampe torche.Je débuterai mes investigations demain.
Le lendemain,je me réveillais,un peu bancale sur mes deux jambes.La nuit que je venais de passer fut troublée par des bruits anodins qui prenaient une ampleur affolante dans ce silence.Avant de me faire mon café,je décidais de sortir pour profiter de ce soleil de juin.J'avançais ensuite vers l'arbre à la flamme(c'est ainsi que je l'appelais),pour voir si je pouvais trouver des traces ou des indices de je ne sais quoi ou je ne sais qui.A à peine dix mètres de l'arbre,je vis quelque chose qui commençait à me pétrifier.Je ne rêvais pas et en accélérant le pas,je constatais une inscription sur le tronc:"Je t'attendais".Elle était fraîche de la nuit dernière et les sillons étaient profonds.Quelqu'un m'attendait.Je n'en revenais pas.Intrigué,je me baladais toute la journée dans les environs pour trouver d'autres indices.Mais juste cette inscription.
Le soir,même cérémonial,je refaisais un barbecue et fixait l'arbre à la flamme.La nuit tombait jusqu'à devenir noire.J'achevais ma quatrième bière et ma sixième brochette.Toujours rien,si ce n'est les moustiques qui voulaient goûter mon sang.La fumée de ma cigarette semblait les éloigner et je décidais de ranimer le feu qui se mourait lentement,avec du papier journal.Dix minutes plus tard,j'entendis enfin le bruit d'hier,ce bruit de bois gravé.C'est curieux,je ne voyais aucune activité autour de l'arbre à la flamme.Mais en balayant du regard le fond du jardin,je découvrais à gauche une petite flamme qui s'éteignit.Ainsi cette personne mystérieuse avait changé d'arbre.Je n'osais pas m'approcher car finalement je ne savais rien de ses intentions.Elle m'attendait certes...mais pour quoi?Néanmoins,même si je me sentais observé,ça me faisait plaisir d'être le centre d'intérêt de cet être.Demain j'en saurai plus.
A peine le jour levé,je sautais du lit tout excité,afin de découvrir la nouvelle inscription.En caleçon et t-shirt,je ne pris même pas la peine de me chausser.Je courais sans me préoccuper de la plante de mes pieds,soumis aux cailloux parfois pointus qui émergeaient de la terre.L'inscription était plus longue et se tenait sur trois lignes:"Tu es beaucoup pour moi."Je souriais,presque les larmes aux yeux.Ce n'était pas une présence hostile.Ma réaction fut un paradoxe à elle seule,car moi qui ne croyait à aucune religion et pour qui la vie n'avait plus vraiment de sens,je m'agenouillais en remerciant ce tronc.Quelqu'un me surveillait,c'était un signe de Dieu.Il revenait en ce moment de perdition,il me redonnait de l'espoir,je n'avais pas été abandonné aux soubresauts aléatoires de la vie.J'y voyais un guide et ma foi en ces inscriptions se renforcait de jour en jour.
Les trois soirs suivants,je fus témoin de la même scène.La flamme changeait d'endroit à chaque fois,mais le matin,je lisais de nouvelles inscriptions:"N'aie pas peur","Je t'adore","Une présence est un espoir".Toutes les lettres étaient grossièrement gravées mais toujours équivalentes en taille.Je me sentais rassuré,protégé.parfois je me croyais seul au monde avec ces arbres au tronc marqué.Mes soirées se ressemblaient:barbecue,bière,cigarette et j'attendais cette flamme qui ravivait en moi une joie de vivre perdue.Je n'avais pas encore eu le courage de découvrir l'auteur de ces messages mais en ce sixième soir,j'obtîns la réponse à ma question.
Le bruit d'une lame contre un tronc se fit entendre.Je m'approchais à pas de loup en me dirigeant dans la direction du son.Proche de la lisière des bois,j'attendais la flamme.Mon attente fut récompensée puisq'une alumette craqua,m'indiquant l'endroit où je devais me diriger.Ce n'était pas trop loin,et je courus à grandes enjambées,mon coeur battant la chamade.Je crus distinguer les doigts qui tenaient l'alumette.Je voyais une forme humaine me semblait-il.La flamme mourut,et la personne qui tenait l'alumette fila en me voyant arriver.J'allais plus vite mais peu importe puisque je la vis se prendre les pieds contre une souche.J'allumais mon briquet pour la voir.Je découvrais une adolescente au visage effrayé,qui me regardait,prête à m'implorer de ne pas l'achever.
-Pitié ne me faites pas de mal!me supplia t-elle.
-Qui êtes-vous?demandai-je intrigué.
-Je...je m'appelle Elisa.
Mon briquet me brûla le pouce et je lui proposais de me suivre prés de mon barbecue.Elle accepta.Ses pas étaient timides,je semblais l'impressionner.Pourtant je ne ressemblais à rien avec cette barbe de dix jours,mes cheveux hirsutes et mon odeur de cendre mélangée à celle du tabac.Elle s'assit sur un siège que je sortais de la maison pour l'installer à côté de moi.Elle ne voulait ni boire,ni manger.Son visage avait quelques bleus et ses cheveux bruns étaient coiffés en queue de cheval.Elle portait un jean et un débardeur noir.
-C'est toi qui a gravé toutes ces inscriptions?la questionnai-je.
-Oui...répliqua t-elle à voix basse.
Mon Dieu était donc cette adolescente.
-Pourquoi?
-Car vous m'avez sauvée.
-Moi?Sauver?Pour être honnête...
Je m'interrompais pour écouter son explication.
-Pourquoi je vous ai sauvé?repris-je.
-Vous m'avez redonné de l'espoir.Chaque soir,je déambule dans la forêt et un jour j'ai voulu éviter un sanglier.J'ai couru à perdre haleine,mais j'ai trébuché.Heureusement,il passa à côté de moi.Quand je me suis relevée,j'ai vu votre feu.Je vous ai vu préparer votre nourriture.Les voisins ne sont pas nombreux,voire très rares,mais dés que je vous ai vu,j'ai su que c'était vous.Ce sanglier m'a mené à vous.
-Que c'était moi?fis-je étonné.
-Oui.Mon sauveur.J'ai établi un dialogue avec vous sur ces troncs car je ne savais pas comment m'y prendre.Je suis timide vous savez.Et pour voir que je n'avais pas fait de bêtise,je grattais une allumette pour vérifier mes mots.
-Je vous ai sauvé de quoi au juste?Et pourquoi traînez-vous dans les bois à une heure pareille?
-Mon père me bat et toute la journée je fais les tâches ménagères et je vis sous son joug.Mais la nuit,je veux que certains moments n'appartiennent qu'à moi.Et je vous ai trouvé.
Ainsi cette fille m'avait pris pour une bénédiction,un cadeau venu du ciel,un sauveur,comme moi je l'avais pris pour Dieu.Je jugeais préférable de ne pas lui avouer la croyance que j'avais eu en ses messages.Aprés tout,être un sauveur n'est pas mal non plus.
Les jours suivants,Elisa et moi,nous voyions tous les soirs vers vingt-trois heures,on se promenait dans les bois,on parlait beaucoup.Enfin,c'était surtout moi qui parlait de ma vie.Elle m'écoutait,me posait des questions.J'appris d'elle qu'elle s'appelait Elisa Nautier,sa mère était morte quand elle avait deux ans,et depuis,son père buvait,inconsolable de ce décés.Il la battait pour extérioriser cette rage qu'il avait en lui sûrement.
Cela faisait deux semaines et demi que je me trouvais dans cette maison et à part les courses au supermarché,je n'eus aucun autre contact avec la civilisation.
Un aprés-midi,le téléphone sonna.C'était mon ami qui me disait que ses grands-parents voulaient passer quelques jours dans cette maison.Je partirai demain et ce serait ma dernière nuit avec Elisa.
Je devenais amoureux,je mettrai à nu mes sentiments devant elle ce soir.
Je ne me dégonflais pas en la voyant,et lui clamais mon amour.On n'est jamais original dans ce genre de situation,mais ma sincérité ressortait par tous les pores de ma peau.Elle me regarda avec un sourire et approcha son visage meurtri par les bleus infligés par son père,du mien.Ses lèvres touchèrent les miennes et je fus pris dans un tourbillon de grande béatitude.Jamais je ne vécus tel baiser.Sa langue entraînait la mienne avec magie et je crus même m'envoler.Elle ouvrit lentement les yeux et me regarda.
-Je dois partir maintenant,me dit-elle.
-Attends...si...si tu venais avec moi.
Elle porta sur moi un visage pourvu de la plus tendre des expressions.
-Je ne peux pas.
-Je reviendrai,je te le promet,lui assurai-je.
-Je sais que l'on se reverra,chuchota t-elle.
Ses yeux rieurs jouaient avec mon regard.Puis elle tourna les talons et disparut à travers les arbres avec majesté,comme une reine ayant retrouvé son trône.
Le lendemain,je ramenais les clés à mon ami et le remerciais.Puis je lui ai fais part de ma rencontre.
-Comment s'appelait-elle?me demanda t-il amusé et en me versant une bière.
-Elisa.Elisa Nautier.
Il stoppa son geste et me regarda.
-Hé!T'as bu la-bas?Ou bien t'a repris le pétard?
-Non.Juste quelques bières...
-Arrête l'alcool alors.Ca ne te réussit pas.
-Pourquoi?
-Car ta Elisa Nautier a fait les gros titres de la feuille de chou locale,il y a un an.C'est LE drame du village.
-Il s'est passé quoi?
-Son père l'a battu à mort et il s'est suicidé aprés.
-Hein?Mais...C'est impossible...
-Regarde dans les archives d'internet si tu ne me crois pas.
En rentrant chez moi,je me hâtais d'allumer mon ordinateur et de me connecter.Aprés quelques recherches,je tombais,en effet,sur l'article en question:"Il se suicide aprés avoir tué sa fille."Il y avait la photo d'Elisa.Elle souriait dessus,elle était comme je l'avais vu.Je m'effondrais,je pleurais en repensant à ces moments passés avec elle.Morte,elle m'avait pris pour un sauveur,vivant,je l'ai pris pour Dieu,ou un émissaire du destin.Chacun de nous croyait en l'autre,comme un signe qui nous disait "Je suis là".Chacun de nous a influencé la suite des événements de l'autre.Elisa,où que tu sois,merci..."Je t'aime"prononçai-je entre deux sanglots.
_________________ De la même manière que l'on retrouve une chose perdue,j'ai arrêté de chercher.
|