Après un doublé en qualifications, les Brawn viennent récidiver en course, toujours dans l'ordre Button-Barrichello, sur fond de controverses techniques.
Tout d'abord, les écarts de performances enregistrés entre les équipes s'expliquent en partie par une interprétation différente du règlement quant au diffuseur arrière : Brawn, Williams, Toyota ont opté pour une solution que d'autres équipes estiment illégale, ce sur quoi le tribunal d'appel de la FIA devrait statuer prochainement. Les deux Toyota furent les premières à faire les frais de la vigilance des officiels, non pour leur diffuseur mais pour leur aileron avant, jugé illégal : elles furent déclassées des qualifications et condamnées à s'élancer des stands.
Un autre souci concernait le KERS (ou SREC, système de récupération d'énergie cinétique) : certaines écuries ne l'avaient pas installé, certains pilotes avaient eux aussi choisi de s'en passer car ce système génère un surpoids conséquent. En course, il permet de bénéficier d'un surcroît de puissance d'environ 80 chevaux pendant 6 secondes à chaque tour. Le dispositif autorise ainsi des avantages spectaculaires à l'accélération mais cela ne s'est pour l'instant pas concrétisé : aucune de trois voitures sur le podium n'en est équipée.
Les pneus ont fait aussi parler d'eux : les nouvelles dispositions (outre des bandes de roulements entièrement lisses) sur la qualité des gommes ont accru l'écart entre les pneus durs et les pneus tendres. Ces derniers sont désormais un peu plus tendres, mais cet avantage semble pour l'heure complètement annihilé par leur dégradation très rapide : au bout d'une dizaine de tours seulement, ils sont complètement détruits et ceux qui les conservent au-delà perdent facilement plusieurs secondes au tour.
La bonne nouvelle est que la nouvelle réglementation technique semble effectivement faciliter les dépassements, ce qui était le but recherché.
Button prenait un excellent départ alors que Barrichello manquait complètement le sien, provoquant un carambolage dans le peloton dont il se tira avec un aileron avant tordu - celui-ci se brisera ensuite lors d'une friction avec Raikkonen. Les Brawn prirent initialement un net avantage, Button creusant l'écart sur Vettel et Kubica. Ceux qui avaient choisi de partir en pneus tendres - dont le Polonais - furent très vite handicapés par leur usure prématurée, et se dépêchèrent de les troquer contre des pneus durs.
Peu après, Nakajima expédia sa Williams dans un mur, semant des débris à travers la piste. Hésitante, la direction de course mit plus de deux minutes à envoyer en piste la voiture de sécurité, après l'avoir décommandée une première fois. Lorsqu'elle entra en jeu, la piste était pratiquement nettoyée, et ce fut surtout l'occasion de constater l'ineptie de la nouvelle réglementation en la matière. En effet, toutes les monoplaces sont désormais équipées d'un boîtier électronique relié à la direction de course, qui leur indique à quelle allure ils doivent rouler pour se placer derrière le safety car et ce, quelle que soit leur position sur le circuit. Ainsi ralentis, les pilotes mirent de très longues minutes à se regrouper, et durent se battre pour garder leurs pneumatiques en température. Nelson Piquet Jr en fera les frais lorsque la course sera relancée, perdant le contrôle de sa voiture au premier freinage alors qu'il était jusque-là le mieux placé du clan Renault.
Les incidents furent nombreux, sur la piste et dans les stands, et tête-à-queues, touchettes et autres avanies de ravitaillement se multiplièrent. Rosberg, initialement handicapé par ses pneus tendres, connut des difficultés lors de son second arrêt avec sa roue avant gauche, ce qui l'expédia dans les profondeurs du classement. Button parvint quant à lui à s'arrêter juste avant l'intervention de la voiture de sécurité, ce qui lui permit de rester en tête de la course.
Le Britannique ne parviendra cependant pas, après que la course eût repris ses droits, à retrouver sa domination initiale, même s'il put maîtriser les efforts d'un Vettel tenace. Pire, son second arrêt - pour chausser des pneus tendres, puisque le règlement oblige à utiliser les deux types de gommes durant la course - fut marqué par la confusion, les préposés au ravitaillement en essence n'ayant fait leur travail qu'après un temps d'hésitation, alors que les pneus étaient déjà changés. Button resta en tête, mais Vettel était revenu à moins de deux secondes. L'Anglais reprit l'avantage à coup de dixièmes, lorsque les pneus tendres de l'Allemand, qui s'était arrêté le premier pour les chausser, commencèrent à montrer des signes de faiblesse. Kubica (en pneus durs) revint au contact, puis se porta à sa hauteur lorsque les pneus de Vettel s'effondrèrent complètement, à quatre tours de l'arrivée. Avec Button à quelques secondes devant, et qui allait vraisemblablement être en butte aux mêmes problèmes, Kubica avait de réelles chances de l'emporter. Pressé de les concrétiser, le pilote BMW attaqua Vettel sans plus attendre, mais les deux hommes péchèrent, le premier par excès de précipitation et le second par manque de clairvoyance. Ils s'accrochèrent, détruisant leurs ailerons avant respectifs, et finirent tous deux dans le mur en essayant de maintenir en piste leur F1 désormais sous-vireuses.
Les nombreux débris laissés par cet accident obligèrent la direction de course à neutraliser de nouveau l'épreuve. C'est donc au ralenti que Button et Barrichello, de retour à la seconde place grâce à ce coup du sort, s'approchèrent de l'arrivée. La voiture de sécurité s'écarta, pour la forme, à quelques hectomètres de la ligne, ouvrant la voie à un doublé historique pour Brawn Grand Prix.
Cette première victoire dès le premier Grand Prix a toutefois un précédent : en 1977, Jody Scheckter avait enlevé le Grand Prix d'Argentine, la manche inaugurale du championnat, au volant de sa Wolf - une équipe créée sur les vestiges d'une première incarnation de l'écurie Williams.
Les deux hommes sont accompagnés sur le podium par Jarno Trulli, auteur d'une course discrète mais efficace après être parti des stands - un résultat d'ensemble excellent pour Toyota puisque Glock se classe cinquième après une prestation plus mouvementée. Discret également malgré quelques dépassements incisifs, Lewis Hamilton peut s'estimer heureux de terminer quatrième. C'est toujours mieux que les Ferrari, arrêtées respectivement par une panne pour Massa, et une sortie de route pour Raikkonen. Discrétion encore pour Fernando Alonso, qui hérite de la sixième place sans avoir brillé, profitant en cela de l'épuisement des pneus de Rosberg, retombé à la septième place : le pilote germano-finlandais, après avoir dominé les essais libres, n'a pas eu beaucoup de chance en course. Enfin, la huitième place échoit à Sébastien Buemi, qui s'est montré à son avantage pour son premier Grand Prix. Le Suisse devance son équipier Bourdais.
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