SansIPfixe a écrit:
Cortex, qu'elle est ton analyse sur l'avenir de la F1, court, moyen long terme ?
Quelle forme aura-t-elle ? chassis, moteurs, circuit, viabilité, réglmentation etc.....
Rien que ça ?
Le retrait de Honda est un sacré coup de semonce pour la F1, et Max Mosley ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Contrairement au choc pétrolier de 1973, où il n'y avait paradoxalement jamais eu autant de concurrents ni d'investissements que dans les années qui suivirent, la crise financière de 2008 fait peser une lourde menace sur l'avenir de la discipline.
Certes, on peut supposer que la crise est une bonne excuse pour permettre à Honda, après deux saisons particulièrement médiocre, d'arrêter les frais sans perdre la face. Mais cela ne suffit pas. La firme japonaise s'était enfin extirpée de deux années de gestion sportive incohérente due à la présence de Super Aguri et pouvait enfin espérer concentrer ses efforts pour repartir de l'avant sous la houlette de Ross Brawn, qui avait collectionné les titres avec Ferrari. De plus, la signature récente d'un accord avec Petrobras montre que le retrait n'était nullement envisagé il y a encore quelques semaines. Rien n'a filtré quant à la reprise éventuelle de l'écurie, mais un tel projet ne s'improvise pas et on voit mal comment il pourrait y avoir plus de 18 voitures au départ du Grand Prix d'Australie. Et en 2010, il deviendra interdit de posséder des parts dans plus d'une équipe : Dietrich Mateschitz sera obligé de vendre Toro Rosso, sans être assuré de trouver un repreneur qui veuille continuer à l'engager en F1. Dans la mesure où aucun projet d'engagement sérieux ne semble se profiler, le peloton risquerait de tomber à 16 monoplaces, ce qui commencerait effectivement à être un peu ridicule.
La solution, tout le monde la connaît : réduire les coûts. On le dit depuis que le championnat du monde existe, on le répète depuis le milieu des années 1990 lorsque le plateau a commencé à s'étioler dramatiquement, mais on n'est jamais parvenu à les faire baisser de façon significative. Honda consacrait près de 400 millions d'euros par an à la F1, ce qui correspond à peu près à ce que dépensait Ferrari il y a 15 ans... mais en francs. Toutes les dispositions visant à réduire les coûts, notamment la longévité des moteurs, n'ont pas servi à grand chose étant donné qu'en F1, faire des économies n'a pas de sens. On brûle jusqu'au dernier centime : si les sponsors sont disposés à payer, on dépensera des fortunes pour fabriquer des moteurs encore plus fiables, et tout le monde sera obligé de suivre s'il ne veut pas être largué. De plus, les dispositions prises pour resserrer les écarts, si elles ont accouché de saisons palpitantes (notamment les deux dernières) a été à l'encontre de cette philosophie : on ne peut pas tirer tout le monde vers le haut tout en espérant que cela coûte moins cher. Interdisez les essais privés ? Les équipes vous répondront en multipliant les tests en soufflerie et les simulations sur des logiciels coûteux. C'est la nature même de la F1 de fonctionner comme ça.
La seule façon d'enrayer cette course aux armements serait d'en faire une formule monotype. Mais j'avoue que moi-même, cette idée me fait tiquer, et il en sera de même pour la majorité du public - encore que, aux USA, le ChampCar et l'IRL (qui ont fusionné cette année, mettant ainsi un terme à un schisme de plus de dix ans) ont survécu grâce à cet expédient, sans que cela ne semble trop choquer le public américain. Surtout, en cela, elle ne présenterait plus aucun intérêt pour les constructeurs automobiles, qui en sont malgré tout les principaux bailleurs de fonds. Ceci étant, si ces derniers ne sont de toute manière plus disposés à en supporter le coût exorbitant...
Une possibilité intermédiaire serait d'autoriser de nouveau l'utilisation de châssis "client", permettant ainsi à de nouveaux arrivants (ProDrive, ou des équipes de GP2 souhaitant sauter le pas vers la F1) d'étoffer le plateau. Mais on risquerait d'aboutir à une discipline à deux vitesses, avec d'un côté les "usines" en lutte pour les gros points, et de l'autre les "privés" perpétuellement désargentés et condamnés à faire éternellement figuration. De plus, peu de constructeurs seraient sans doute disposés à disperser leurs efforts pour fournir des écuries privées en châssis - ce serait peu de nature à diminuer les coûts pour elles, du reste.
Alors, faut-il plafonner le budget des équipes ? Peut-être est-ce la bonne solution, mais comment s'assurer que ce genre de disposition soit respectée ? Il faudrait pour cela que la FIA soit (il faut bien être lucide) autre chose qu'un jouet entre les mains de Bernie Ecclestone - j'ai cessé de croire que Max Mosley était autre chose qu'un fantoche il y a quelque temps déjà. Sans pouvoir sportif fort et intransigeant, inutile d'espérer empêcher les écuries d'utiliser toutes les ficelles disponibles pour contourner d'éventuelles limitations budgétaires.
Si ce problème de viabilité du plateau est résolu, celui des épreuves suivra : on trouvera toujours des endroits où certains seront prêts à débourser les énormes sommes nécessaires à la construction et à l'entretien d'un circuit sûr. Simplement, la tendance à la "délocalisation" des courses de l'Europe vers les pays en devenir (Russie, Inde, Corée sont les prochains organisateurs pressentis) s'accentuera probablement. L'essai du Grand Prix de Singapour s'étant révélé concluant, le recours au courses nocturnes permettrait de contourner les problèmes de décalage horaire, habituellement propre à diminuer l'audience des Grands Prix, elle-même essentiellement européenne.