Je ne l'ai toujours pas vu. Mais comme j'avais dit que je développerai ma pensée, je le fais maintenant que j'ai cinq minutes.
L'idée de Frank Miller n'était pas de créer une description fidèle des faits historiques (qui remontent à 480 av. EC), mais de les sublimer pour en retirer ce qu'il nomme "
l'essence du Spartiate" (voir ses interviews sur le site officiel du film). C'est un parti-pris que Zack Snyder a fait sien lorsqu'il a réalisé le film. Je ne pense pas que ce soit critiquable en soi, un film reste une oeuvre d'art.
Ce qui l'est davantage, c'est la lecture idéologique qu'en fait Miller (et Snyder à sa suite). Miller considère la bataille des Thermopyles comme "
l'événement fondateur de la civilisation occidentale". Cette interprétation n'est pas sans rappeler la théorie de l'historien américain Victor Hanson, pour qui la civilisation grecque classique est à l'origine de ce qu'il appelle le "
western way of warfare", l'art occidental de la guerre, une façon de se battre qui a perduré jusqu'au XIXè siècle. Miller a une curieuse façon de transposer cette idée, qui ne concerne que la façon de se battre, à l'ensemble de la société et des valeurs sur lesquelles elles se basent.
Cela me paraît discutable, en premier lieu parce que la "civilisation occidentale" actuelle est bien plus syncrétique. Surtout, ce que je sais de Sparte et de la Grèce classique en général me renvoie à des valeurs auxquelles je ne m'identifie pas du tout. Les Grecs du Vè siècle av. EC étaient peut-être des artistes habiles, des gens cultivés et des précurseurs de la démocratie, mais ils étaient aussi brutaux, impitoyables avec les faibles et les "marginaux", misogynes (Sparte constituant justement une remarquable exception dans ce domaine), racistes, esclavagistes et belliqueux. Ils passaient leur temps à se battre entre cités indépendantes pour accroître leur puissance. Une fois les Perses vaincus, Sparte et Athènes se sont livré une guerre d'un quart de siècle pour l'hégémonie sur le monde grec, et lorsque Sparte l'a remportée, ce fut pour être aussitôt aux prises avec une nouvelle rivale, Thèbes.
Alors peut-être bien que tout ceci est le
fondement de notre civilisation, après tout, mais dans ce cas, il faut avoir très peur de tout
fondamentalisme. Le risque est justement, comme cela a été souligné dans cette discussion, qu'on donne au film une valeur descriptive "directe", surtout compte tenu du renvoi à des questions très actuelles qu'on retrouve dans son contenu. Je reviendrai plus tard sur ce point particulier.
Je dois m'arrêter là pour l'instant, parce que le travail m'appelle.
