Puiser l'eau la plus pure du monde, une opération à hauts risques
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Agence France-Presse
Auckland
Le prélèvement de l'eau la plus pure du monde, retenue dans un lac sous-terrain de l'Antarctique, pourrait engendrer une explosion semblable à celle de l'ouverture d'une canette de soda, mais à très grande échelle, ont averti des scientifiques.
Le lac Vostok dans l'Antarctique est depuis 15 millions d'années prisonnier sous quelque quatre kilomètres de glace où l'eau y est protégée de l'air et de la lumière sous l'énorme pression de la calotte glaciaire.
Ce lac de 14 000 kilomètres carrés, situé à 1300 kilomètres du pôle sud, est l'un des plus vastes au monde et suscite l'intérêt des scientifiques.
En dépit de l'opposition des écologistes, qui redoutent qu'un forage dans ce lac puisse entraîner sa destruction, des scientifiques russes envisagent de percer la glace jusqu'à la surface du lac Vostok.
Des chercheurs américains sont également intéressés par un tel forage pour savoir si une forme de vie peut exister sous ces conditions, ce qui viendrait conforter les théories affirmant qu'il peut y avoir des organismes vivants dans d'autres environnements extrêmes, en particulier sur d'autres planètes.
Ces projets risquent néanmoins d'être contrariés par un article paru dans le dernier numéro du journal du Centre de recherche géophysique, basé aux États-Unis.
Dans cet article, Chris McKay, chercheur à la Nasa en Californie, met en garde sur la nécessité d'être particulièrement prudent pour forer dans le lac Vostok.
Selon lui, la forte concentration de gaz présente dans le lac «risque de générer une éruption violente si l'eau du lac était amenée en surface».
«La concentration de nitrogène et d'oxygène dans l'eau du lac, de 2,5 litres par kilo, est à peu près celle contenue dans une canette de Coca-Cola fermée (où le gaz est en l'occurence du C02)», a indiqué le scientifique.
«Nos travaux suggèrent que les scientifiques russes et américains, qui étudient ce lac, soient très prudents en forant parce que ces concentrations de gaz pourraient rendre l'eau du lac très instable et potentiellement dangereuse», a estimé M.McKay.
Il a précisé que les recherches actuelles ont démontré que les taux d'oxygène dans le lac sont 50 fois supérieurs à ceux habituellement rencontrés dans un lac ordinaire.
Selon ces recherches, les organismes vivants dans le lac Vostok ont sans doute évolué d'une manière spécifique pour s'adapter à ces conditions extrêmes, par le biais d'une forte concentration d'enzymes protecteurs leur permettant de survivre dans un environnement riche en oxygène.
Les Soviétiques ont construit leur première base en Antarctique en 1957, mais c'est seulement en 1994 qu'ils se sont rendus compte de la présence de ce lac aussi vaste que celui de l'Ontario et quatre fois plus profond.
Ils ont alors foré jusqu'à 3623 mètres dans la glace, s'arrêtant à quelques centaines de mètres de l'eau. Cette carotte de glace a été remplie de kérosène et de fréon, pour éviter qu'elle fonde, et se trouve toujours à Vostok.
David Karl, océanographe de l'Université d'Hawaï, a révélé que cet échantillon est si limpide que «l'on peut lire le journal en regardant au travers».