Saskwash a écrit:
Il n'y a pas de terme générique pour tous ceux qu'on se plaît trop souvent à appeler chamanes. IL faut se référer à des situations plus précises tout simplement. S'il existe des similitudes, comme dans des régions données à des époques données alors il y a des mots plus larges, comme shaman pour le cas mongol.
Tu sais c'est un peu comme quand on parle de culture africaine, tout le monde en parle et fait semblant de savoir ce que c'est mais si on y réfléchit on se rend compte que c'est une expression qu'on ne devrait jamais employer. Je ne connais pas un seul moment de l'histoire ou on puisse dire que le territoire africain dans sa totalité ait subit ou réagit à un événement de manière uniforme. D'ailleurs si on y réfléchit, quand on lit ou dit africain, c'est toujours à l'exclusion de l'Afrique du Nord, beau paradoxe quand on pense que le terme d'africa désignait justement à l'origine uniquement le territoire de la Tunisie actuelle.
Mais bon je m'égare, je voulais juste illustrer le fait qu'il y a pas mal d'expressions trop faciles comme ça qu'on devrait tout simplement éviter parce qu'on ne peut pas juste les remplacer par un terme équivalent qui serait tout aussi faux.
Le terme de " Chamane " est un " exotisme " solidifié sur la racine " Homme-médecine ", qui dans les diverses cultures, même en Afrique du nord, était celui qui faisait office de prêtre, que ce soit pour guérir, marier ou autre rite de la vie. Il incarnait ce que les religions monothéistes incarnent à présent, mais il était beaucoup plus " opératif " que ne le sont les représentants officiels qui ne font que représenter un message ou une doctrine, et qui n'interviennent plus autrement que par de simples prières pour tout le monde. La richesse de ces hommes-médecines de jadis était de pouvoir se fondre aux personnes, s'adapter aux individualités, et par l'usage de drogues et de remèdes, de prières parfois inventées pour chaque cas, s'occuper des individualités. Les prêtres de maintenant officient avant tout pour des groupes, ils sont impersonnels, bien que le personnage du christ pourrait s'assimiler à une fonction équivalente, car c'est une icône, c'est un repère, c'est une image, quoi qu'on en dise, d'où sa fonction thérapeutique, parfois, dans certains cas de guérison mal expliquées...
Le terme de Chamane est un terme devenu " à la mode ", il est très new-age, comme dit, mais l'homme-médecine a toujours existé, même chez les peuplades les plus anciennes de la préhistoire où déjà se développaient des cultes, souvent rattachés à des divinités féminines, car rattachés à la terre, souvent rêvés dans le creuset chaud des grottes. La fonction génitrice d'une grotte a peut-être agit en faveur d'un rapport plus féminin à l'invisible. Et quand ils sont sortis des grottes pour conquérir les grands espaces, et qu'ils se sont mis à regarder les cieux avec plus de considération, plus de rage aussi, cet esprit du chasseur sans plus d'attache, peut-être, je dis bien peut-être, que là est né le culte du père, du moins une divinité plus proche du père, masculine...
Quand aux drogues diverses, elles ne sont que des remplacements d'autres dépendances, mais elles sont d'autant plus mortelles. Mais qu'en savons nous vraiment ? Peut-être que jadis, il y avait autant de morts et de fous à la suite d'un mauvais usage de ces psychotropes ? Disons que notre modernité y a ajouté l'offre et la demande, la banalisation aussi de ces rituels anciens. On aime jouer à Icare, et la chute fatale est prise comme une renaissance, alors qu'elle est un effet éphémère se voulant proche de l'ataraxie Grecques, mais n'est en somme qu'une auto-satisfaction proche du coït ou de la masturbation. On cherche à tout pris l'éveil, alors qu'il ne faudrait peut-être rechercher que la compréhension et cultiver la curiosité. Nous ne sommes plus dans le contexte de véritables cultes, mais dans une soif de sensation. Nous avons envie de revenir à un rapport aux Dieux plus sensualiste, moins enraciné dans une prière servile et stérile, bref, on a envie de voyager en priant, tout en ne prenant pas le risque de croire à un dogme bien établi. C'est typiquement moderne, ce besoin de jouir et planer pour ressentir et donc, non pas croire, mais voyager. Une séance de Chamanisme deviendra donc bientôt aussi populaire qu'une virée en boîte de nuit, on absorbe des excitants, on attend une libération des inhibitions pour ensuite revenir dans notre banalité confondante. La soif spirituelle actuelle souffre de cette confusion, terme consacré, elle est plus un besoin de voyager à mon sens où on a envie de partir d'un point, le délire, pour revenir à une condition de satisfaction, un soulagement, on veut en finir avec quelque chose qui de toute manière se répète à l'infini, du moins tant qu'on est encore là pour en jouir et en souffrir, les deux étant liés dans cette nouvelle spiritualité. On s'ennuie, alors on veut mourir et renaitre autant de fois possible, ça fait du bien, peut importe les au-delà, le tout est de " voir ", l'important c'est la " vision ", peu importe si c'est tout aussi faux et illusoire. Ainsi, nous sommes à une époque, où le rapport à Dieu comme d'un syndrome est plus facteur " d'exotisme " que le fait d'aller dans un temple réciter des prières toutes faites par avance, ou de tout simplement partir en vacance, c'est la solution, l'issue illusoire des pauvres en manque de paysage et des riches trop pleins de décors de carte postale, c'est le voyage total, risqué en outre, c'est encore plus excitant. Le Dieu des hallucinogènes, c'est comme aller au cinéma, sauf que là on est à la fois spectateur et acteur, passif et actif, du moins dans notre tête...
Cela ne veut pas dire non plus que le Chamanisme soit du charlatanisme, disons qu'il est une manière plus intime et plus libertaire de s'échapper du monde, et de quêter l'impossible fusion avec un " autrement qu'être " si on m'excuse cet emprunt malpropre au grand Lévinas, ce que des cohortes de jeunes idéalistes ont recherché durant les senventies au travers du LSD, pour finir, pour les plus chanceux, par se ranger dans la bonne société de ceux qui " ont réussi ", qui du coup, sont revenus aux temples primitifs monothéistes ou dans un athéisme enfin assumé par une réussite sociale ascendante. Les autres, en ont gardé des souvenirs de grands voyages qui ne mènent nulle part, mais aussi des souvenirs où ile ne firent qu'un en corps et esprits avec tous leurs frères et soeurs de peine et de plaisir. Quelle belle expérience, me confient parfois certains. Il est vrai que les années 70 furent une époque intéressante, et je pense qu'elle peut nous faire mieux comprendre nos années 2000, plus basées malheureusement sur l'agression, la compromission et l'accusation utilitaire. Le sexe n'est plus libération ou soulagement, il est devenu instrument de pouvoir et de destruction. Ce qui fait que liberté rime parfois avec clivage et grégaire, enclavement et combat. Une nouvelle condition de l'ouvrier intellectuel que nous sommes tous devenus ? A voir...
Voilà peut-être pourquoi certains rêvent au chamanisme, comme d'une possibilité de retourner à cet état paradisiaque premier, bref, ce rêve fou de connaître à nouveau l'innocence de l'adolescence. Chimère et idéalisme, oui, mais bien éloignés des embrasements des corps des années 70, car le sida et la danse dans son coin ont fait aussi que nous préférions des échappées personnelles et égoïstes dans l'espoir de connaître enfin une vraie vision unitaire, sans risque, car le corps devient malade en faisant l'amour de nos jours. Retourner donc à ce célèbre Eden et ainsi, peut-être inventer un palliatif à notre misère sociale et amoureuse, un de plus. Ceci dit, le rêve est beau et l'entreprise courageuse, bien que dans une civilisation mécaniste, cela soit un peu vain, mais tout à fait valide, puisque ressortant du même stimulis mécaniste...