Laissez moi conter aux plus jeunes l'éclipse totale de 99.
Ces deux jours là, j'ai parcouru presque 2000 km en voiture.
Ayant réalisé que je n'en verrai plus en France de mon vivant, je décidai de me rendre à Metz pour l'observer, mais, le matin fatidique, le ciel de Metz était extrêmement nuageux.
Pris d'une appréhension soudaine, je décidai de rouler tout le matin pour rejoindre d'abord Reims où le ciel était plus dégagé mais encore très nuageux. Suivant les infos météo, je finis par me décider pour Laon, et remontai donc au nord pour finir par me stationner non loin du fameux monticule qui domine toute la campagne vallonnée environnante.
Inutile de dire que les routes étaient extrêmement encombrées de tous ceux d'entre nous qui avaient réalisé qu'ils verraient ce jour là un instant magique, un instant unique de leur vie.
Des terrains vagues avaient été improvisés en parking, et finalement, posant enfin le pied au sol, je suivis ce monde vers le monticule de Laon, que étrangeté du destin j'avais visité un an plus tôt dans le cadre de mon stage d'apprentissage.
La montée ne fut pas longue avec l'esprit chargé d'interrogation, chose étonnante, j'étais accompagné essentiellement d'étrangers : l'on parlait autour de moi anglais, néerlandais, allemand, et je réalisais l'espace d'un instant que seule une force cosmique pouvait nous réunir ainsi, que c'était formidable, que ça allait être l'un des grands événements de ma vie.
Ce dont je me souviens ensuite le plus clairement, ce sont, arrivé au sommet du monticule et contemplant le panorama de cette campagne sublime, toutes ces familles : adultes et enfants qui attendaient là, avec moi, le plus incroyable des phénomènes.
Le ciel était malheureusement à cette heure-là couvert en Laon (j'apprendrai plus tard qu'il sera dégagé sur Reims)
Il y avait, à ma droite un anglais quincagénaire, très british, une famille de charmante têtes blondes, un groupes d'ados en colonie, et tous attendions ce moment avec une appréhension grandissante à chaque regard porté sur nos montres.
Le temps parut alors interminable, toujours pas d'éclaircies, il était dit que nous vivrions l'éclipse dissimulée par un rideau de nuages bien inopportun.
Ce qui m'a le plus frappé survint un quart d'heure avant le grand moment.
Nous étions en plein été et tous légèrement vêtus, mais un quart d'heure avant l'éclipse totale, des vents froids se levèrent et je me souviens avoir eu froid et regretté de ne pas avoir un pull. Puis la couleur du ciel changea peu à peu en un gris argenté. Il me sembla que les oiseaux s'étaient tus.
La lumière dimminuait, mais très lentement et nous étions toujours dans ce froid.
Ce n'est que dans les derniers moments que la lumière baissa franchement, comme une lampe halogène que l'on éteint.
A ce moment là, nous nous sommes retrouvés dans une nuit d'été : on distinguait bien les silhouettes des voisins mais je me souviens que sur la route en contrebas, tout là-bas les voitures avaient allumé leur feux de croisement.
Les gens applaudirent comme au spectacle. Et ce réflexe me fit sourire, à la pensée que la lune et le soleil ne pouvaient mesurer cette reconnaissance. Puis la lumière revint peu à peu et tout entra dans l'ordre lentement.
Je venais de vivre la seule éclipse totale de ma vie.
