Découverte d'un nouveau pré-néandertalien à Tourville-la-Rivière (76)
Par Frédéric Lewino
Que de cachotteries pour annoncer la découverte de trois débris d'os effectuée voilà déjà quatre ans à Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) ! Tout cela parce qu'ils appartiendraient à l'un des premiers Européens - un ancêtre de Neandertal - ayant vécu entre 234 000 et 181 000 ans avant notre ère. Parce qu'en plus les paléoanthropologues ne sont même pas très précis concernant sa date de naissance ! Tout commence par un mail du service de presse de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) évoquant "une découverte majeure en Europe". Sans autre précision. Du teasing ! Au bout du fil, Vincent Charpentier, chargé de la communication dudit organisme, se montre tout aussi évasif : "On ne peut rien dire avant la conférence de presse. Ni la nature de la découverte ni le lieu, car il y a embargo de la part de la revue scientifique où c'est publié." Quelle revue ? "Je ne peux pas le dire." Et il croit qu'on va se déplacer ?
Eh bien, oui ! J'y suis. Tous les journalistes se jettent sur le communiqué de presse titré "Découverte d'un nouveau pré-néandertalien en France : l'homme de Touville-la-Rivière". Arrêtons-nous sur ce "nouveau pré-néandertalien", car cette formulation veut nous faire croire qu'il s'agirait d'une "nouvelle espèce". C'est le travers des préhistoriens : dès qu'ils découvrent un bout d'os, ils adorent affirmer qu'il appartient à une espèce de la filière humaine. C'est tellement plus valorisant que de faire preuve de prudence en n'affirmant rien du tout. Ils sont alors sûrs que leur actualité sera reprise par des journalistes peu regardants en général. Ce n'est pas un hasard si, en Afrique, les paléoanthropologues ont exhumé dix fois plus de fossiles de la lignée humaine que de celle des singes.
"Découverte unique"
Pour en revenir à la découverte de Tourville-la-Rivière, effectuée en 2010 par une équipe de l'Inrap placée sous la direction de Jean-Philippe Faivre, il s'agit des trois os principaux (humérus, cubitus et radius) du bras gauche d'un même individu appartenant à la lignée néandertalienne. "La découverte est unique, explique Bruno Maureille, paléoanthropologue au CNRS, car nous ne possédions pas d'os datant de cette période. Cela va nous permettre d'en apprendre beaucoup sur la lignée de l'homme de Neandertal." Il est impossible de déterminer le sexe de l'individu, mais il s'agissait probablement d'un grand adolescent ou d'un jeune adulte.
L'humérus possède une crête inhabituelle à l'endroit de l'attache du muscle deltoïde, découlant probablement d'un mouvement répétitif. "Lequel ? On ne peut pas le dire. Cela peut être le geste de percussion pour tailler les silex ou celui du lancer de quelque chose", explique Bruno Maureille. Peut-être l'individu était-il un chasseur. Du reste, de nombreux ossements de cerfs, aurochs, équidés, sangliers, rhinocéros, loups, renards, castors, lièvres et même de panthères - faune caractéristique de la fin de la période interglaciaire - ont été retrouvés dans cette courbe de la Seine où ils ont certainement été déposés par le courant.
Bref, quatre ans après la découverte et après pas mal de mystères, la montagne paléontologique a accouché des trois petits os.
REGARDEZ les explications de Bruno Maureille, paléoanthropologue au CNRS :
http://www.dailymotion.com/video/x27kvu ... s?start=42