Des lingots d'un métal quasi légendaire ont été retrouvés dans l'épave d'un vaisseau antique. Ces derniers sont en orichalque, un alliage qui aurait été très prisé en Atlantide, selon Platon. De quoi relancer les spéculations sur cette fameuse île engloutie. Décryptage de la découverte avec Jean-Paul Fritz.

Carte de l'Atlantide d'après Platon et Diodore (NAMUR-LALANCE/SIPA)
L'archéologie réserve souvent des surprises. Ainsi, de l'épave d'un vaisseau qui coula voici 2600 ans, une équipe de plongeurs a fait une découverte assez intrigante sur la côte sicilienne, près de la ville de Gela : 39 lingots d'un métal parfois attribué aux mythiques atlantes, comme le révèle Discovery News.
La double vie de l'orichalqueConnu des numismates comme étant un alliage proche du laiton (voire même simplement un autre nom pour celui-ci), l'orichalque est un métal qui semble avoir deux vies.
L'une est historique : à l'époque romaine, il désignait un mélange de cuivre et de zinc et servait à fabriquer des monnaies, notamment le fameux sesterce que les fans d'Astérix ont sans doute en mémoire.
La seconde est plus mythique : selon Platon, en effet, les Atlantes auraient eu une attirance toute particulière pour ce métal, presque aussi précieux que l'or.

Laiton "orichalque", sesterce de l'Empereur romain Hadrien (Wikimedia Commons)
Un métal cité par plusieurs écrivains antiquesL'orichalque est cité par plusieurs écrivains et poètes antiques. Par exemple, on le trouve dans un poème du VIIe siècle avant notre ère, attribué au pseudo-Hésiode, "le bouclier d'Héraklès". Là, l'auteur décrit le demi-dieu Hercule en train de se vêtir pour le combat :
"À ces mots il enlaça à ses jambes les brodequins d'un orichalque splendide, glorieux présent de Vulcain".
Strabon, dans sa géographie, en cite la composition :
"...On trouve une espèce de pierre qui se change en fer par l'action du feu ; ce fer, mis ensuite en fusion avec une certaine terre, produit le zinc. Du mélange de ce dernier avec du cuivre résulte ce métal que certains appellent orichalcum."
Mais ce sont surtout les écrits de Platon qui le rendent si mystérieux.
Platon décrit "la lueur rouge de l'orichalque"
Dans le Critias, texte de référence sur le mythe atlante, Platon explique que l'orichalque était extrait du sol en plusieurs endroits de l'île. Ce métal était utilisé, entre autres, dans la construction.
En décrivant la capitale atlante, le personnage de Platon évoque les trois enceintes autour de la cité : le premier était recouvert de cuivre, le second d'étain, et le troisième, "qui englobait la citadelle, étincelait de la lueur rouge de l'orichalque".
Le métal recouvrait également les murs, les colonnes et le sol du temple de Poséidon. Au centre de celui-ci, situé au milieu de l'île d'Atlantide, se trouvait un pilier d'orichalque sur lequel étaient inscrits les "commandements de Poséidon" inscrits là par les premiers rois atlantes.
La "fiction des poètes"
En 1863, Jean-Pierre Rossignol, professeur de littérature grecque au Collège de France, consacre une section de son ouvrage "Les métaux dans l'antiquité" à l'orichalque. Il voit en ce métal une manière des poètes antiques d'idéaliser le cuivre en lui donnant ce nouveau nom.
"Telle est l'origine de l'orichalque, double fiction des poètes. De là vient cette matière équivoque qui fit illusion aux anciens eux-mêmes et dont le nom exerça sur les imaginations un tel prestige qu'on ne put se résigner à le laisser dans le domaine de la fable et qu'on l'appliqua tantôt à un alliage de cuivre tantôt au cuivre..."
L'orichalque en AtlantideBien sûr, cela ne convaincra pas les tenants de l'existence de l'Atlantide. L'école sud-américaine, par exemple, situe celle-ci dans les Andes, et estime que certains métaux trouvés là-bas seraient de l'orichalque.
C'est le cas de "chercheurs parallèles" comme Paul Allen ou Enrico Mattievich Kucich, ce dernier assurant que l'orichalque était fait de 9% de cuivre seulement, additionné à 76% d'or et 15% d'argent.
La réponse à un mythe ?L'orichalque-laiton romain n'était probablement pas le même que l'orichalque antique décrit par Platon, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il ne s'agissait pas d'un alliage, même si les proportions diffèrent.
On a parlé d'or et d'étain, de cuivre et de zinc... La découverte faite dans l'épave de Sicile irait donc dans ce sens, et la réalité de deux alliages, l'un datant de l'antiquité grecque et l'autre de l'antiquité romaine, offrent une explication qui ne va pas trancher le vieux débat sur l'existence ou non d'une réalité historique derrière le mythe de l'Atlantide...