Jamais regardé cette bouse.........

Peut-on licencier un salarié parce qu'il est accro au poker en ligne ? Peut-on lui interdire de surfer sur des sites de jeux de loto ou de paris en ligne ? Les réponses judiciaires ne sont pas légion, mais elles ont le mérite de la cohérence. "Le fait que ce soit un jeu ne change pas grand-chose aux règles de l'utilisation d'Internet. Les salariés licenciés l'ont été parce qu'ils ont abusé d'Internet et non parce qu'ils ont joué à des jeux en ligne", éclaire l'avocate Nataline Fleury, du cabinet Ashurst.

Dans une affaire récente, un constat d'huissier (*) dressé à la demande de l'employeur avait révélé qu'un salarié s'était connecté à six reprises en deux mois sur des jeux mis à disposition sur Facebook, depuis son ordinateur professionnel. Or le contrat de travail interdisait une telle utilisation ludique de l'ordinateur professionnel. Le salarié a donc été licencié sur le fondement de la violation de ses obligations contractuelles. Mais la cour d'appel de Lyon a estimé que cette mesure était disproportionnée à la faute" reprochée (décision du 18 novembre 2011). En clair, l'employeur aurait dû adresser un avertissement au salarié avant d'employer les grands moyens.

D'une manière générale, la jurisprudence attache plus d'importance au temps passé sur l'ordinateur pour ses besoins personnels qu'à la nature des sites visités, sauf bien sûr s'ils sont illégaux. Plusieurs salariés ont déjà été licenciés pour avoir confondu leur temps de travail avec une partie de surf sur la Toile. L'un d'entre eux avait promené sa souris sur des sites de charme. Un autre avait passé 41 heures dans le mois à consulter différents sites pour ses besoins personnels.

L'espace ludique du salarié : du cas par cas

Moralité : c'est moins le fait de jouer sur Internet que de se croire en vacances au bureau qui motivera le licenciement. Mais alors, où placer le curseur entre temps "personnel" et temps "professionnel" ? L'employeur ne peut apporter de restrictions à la liberté individuelle du salarié que si elles sont proportionnées au but recherché, dit l'article L.1121-1 du code du travail.

La Cnil l'affirme depuis longtemps : l'interdiction totale et absolue d'Internet au bureau n'est pas concevable. La question de savoir si le salarié a abusé ou non de sa liberté est laissée à l'appréciation des tribunaux. Et ceux-ci ne donneront pas forcément un blanc-seing à l'employeur castrateur. "Ce n'est pas parce qu'on a interdit l'utilisation ludique d'Internet - dans le contrat de travail ou dans une charte - qu'on peut licencier un salarié dès qu'il joue sur son ordinateur, dès lors que la durée et la fréquence des connexions restent raisonnables", souligne Me Fleury.

Rien n'empêche d'ailleurs les salariés de court-circuiter l'espionnage informatique en utilisant leur smartphone, iPad ou ordinateur personnel. "La jurisprudence ne sanctionne en effet le salarié que s'il a abusé de l'outil mis à sa disposition par son employeur pendant le temps de travail, note Me Fleury. Néanmoins, si le salarié utilise son propre matériel pour se rendre sur des sites à caractère personnel dans le but évident d'échapper à ses obligations professionnelles, il pourrait tout de même être sanctionné sur le terrain disciplinaire."


(*) Depuis un arrêt du 9 juillet 2008, la Cour de cassation considère que les connexions sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les identifier en l'absence de l'intéressé.

Sans technologie, on en reviendrait aux anciens mode de communications et de partages d'information.