Tout d’abord, j’aimerais revenir sur les éclaircissements que tu as apporté à mon précédent message, bigou. Allons-y gaiement :
1. Bien, soit, c’était le 13 août 1993 et non le 13 juillet. Cette imprécision reste surprenante pour un événement si marquant, mais admettons. Douze ans, c’est long.
2. D’accord pour la confusion sémantique notes/nouvelle dans ce cas, mais ça n’enlève rien au fait que leur disparition est plutôt fâcheuse et/ou opportune, selon le point de vue qu’on adopte.
3. OK… mais ça ne supprime pas la contradiction dans tes propos. Ce n’est pas le plus important, quoi qu’il en soit.
4. Je comprends, mais tu dois comprendre que les détails « à tiroirs » sont encore plus suspects, car ils peuvent dissimuler des ajouts et des réponses ad hoc.
5. Là encore je peux comprendre, mais cela n’efface en rien le côté très « scénaristique » de cette visite impromptue, caractère encore renforcé par sa mention tardive.
6. Tu es pourtant suffisamment débordé pour refuser dans un premier temps d’écouter un homme qui te parle d’une affaire te tenant à cœur depuis plus d’une décennie.
7. OK sur ce point, le numéro peut représenter tout autre chose qu’une identification. Il reste que présenter Vianney comme un possible militaire renforçait beaucoup l’aspect scénaristique de sa visite, dans le plus pur style X-Files. D’où mes doutes, tu l’auras compris. Admettons qu’il fût un civil, cela rend déjà l’affaire un peu moins saugrenue.
8. C’est exact. Mais la peur n’est pas la seule raison d’un arrêt cardiorespiratoire…
9. Je reste très sceptique, en particulier concernant le psy. Sans vouloir t’offenser, je doute très fortement qu’en ado de 14/15 ans soit en mesure de dissimuler ce genre de trouble à un professionnel pendant 6 mois. Surtout si, comme tu le dis toi-même, il l’avait remarqué dès le début de la thérapie. Il ne peut pas l’avoir « oublié » en cours de route. Et s’il n’a pas réussi à te faire parler, il l’a forcément noté dans dossier. A moins d’admettre qu’il fût notoirement incompétent.
10. Sur ce point, je ne peux que rejoindre les propos de Karmapa, qui a fait la démarche de téléphoner à la bibliothèque de Biarritz. Deux livres pourraient avoir un contenu approchant, mais c’est pourtant un titre précis que tu avais donné. Difficile dans ce cas de plaider la défaillance de mémoire.
11. D’accord pour le nom. Ma remarque venait du fait que l’introduction d’une orthographe/prononciation différente pouvait faire penser à une tentative de ta part de pallier à l’absence d’infos sur « Kangdridge » sur internet.
12. Justement, je me permets ici de te donner mon avis d’historien, et plus généralement d’ex-thésard en sciences humaines, en ce qui concerne tes déductions : si elles ne sont basées, comme tu le dis, que sur des spéculations, et bien dans ce cas, on peut peut-être les considérer comme hâtives. J’aurai l’occasion d’y revenir un peu plus loin.
13. Je ne remets aucunement en cause le temps que tu as pu y passer, mais bel et bien tes capacités techniques à mener de telles recherches à l’époque, selon moi hors d’atteinte pour un adolescent. Moi-même, après 3 ans de formation théorique et 5 années de pratique, je ne suis encore qu’un chercheur relativement inexpérimenté, même avec de bonnes bases.
14. Nous sommes d’accord. Cela rejoint ce que je disais en 12. : tu vas peut-être un peu trop vite en besogne…
15. Bien… mais il est dommage que nous ne puissions pour le moment n’avoir ne serait-ce que la référence de cet article.
16. Admettons qu’il s’agisse d’un oubli… Il n’en reste pas moins fort étrange venant de toi, puisque tu sembles avoir tant conjecturé (trop ?) sur cette affaire.
17. Drôle de réaction pour quelqu’un qui aurait passé quatre ans à faire des recherches intensives. Tu étais bloqué sur la nécessité de trouver des infos, mais tu n’as pas su comment en trouver efficacement ? Alors que tu y étais parvenu en France les années précédentes ?
18. Pense aussi à nous la faire partager… Néanmoins, ça ne résout pas le problème des infos trouvées sur cette tour et ses occupants, alors que tu admets toi-même ne pas avoir pu mener de recherches sérieuses lors de ton passage à Plymouth.
19. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir répondu par un « je ne sais pas », plutôt que par un silence qui donnait la fâcheuse impression que tu faisais la sourde oreille ?
20. Pour ma part je ne faisais qu’émettre une opinion. Je suis d’ailleurs ravi que tu ne l’aies pas mal prise.
Je te remercie en tout cas d’avoir pris le temps de répondre à mes préoccupations.
Je ne dénigre en rien ton récit, je n’ai fait qu’exprimer mes doutes, doutes basés sur des éléments que je trouve suffisamment sérieux pour en faire part publiquement. Et en dépit de tes précisions, ces doutes subsistent en grande partie. Beaucoup de choses évoquent la fiction dans ton histoire.
Mais fiction ne signifie pas nécessairement histoire inventée de toutes pièces. Permets-moi à présent de détailler davantage le fond de ma pensée.
bigou a écrit:
Et si je m'assois sur toutes mes suppositions, en considérant que je me suis monté la tête, devrais-je alors simplement accepter que c'était l'heure de sa mort ?
Si je devais retenir la phrase la plus représentative de l’ensemble de cette affaire, ce serait celle-là.
Qu’y a-t-il de plus injuste et de plus inacceptable que de mourir à 14 ans d’un arrêt cardiaque ?
Et surtout, qu’y a-t-il de plus traumatisant pour un enfant que de voir son ami mourir de la sorte sous ses yeux, sans pouvoir rien faire pour l’aider ?
D’un point de vue tout à fait personnel, je ne pense pas que cette ombre dont tu parles ait jamais existé en tant que réalité physique. Peut-être que Sylvain est effectivement mort de peur. Ce qui l’a effrayé, je l’ignore. Mais il peut aussi être mort des suites de votre partie de basket, cela arrive malheureusement à des sportifs de haut niveau.
Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que tu n’as pas accepté sa mort.
Elle te paraissait si injuste… On ne meurt pas à 14 ans de cette façon, c’est contre-nature. Elle te paraissait effrayante, aussi : si c’était naturel et que c’était arrivé à lui, ça aurait pu t’arriver à toi. Ce qui n’a fait qu’ajouter au traumatisme de son décès, à un âge où l’on y est particulièrement sensible.
Alors, consciemment ou non, tu as cherché à expliquer cette mort autrement. En t’appuyant sur tes souvenirs (passés à travers le prisme du traumatisme) et sur des informations glanées ici et là peut-être par hasard, tu as rattaché ton histoire à cette vieille légende. Quitte au besoin à reconstruire tes souvenirs en les y adaptant. La mémoire humaine est surprenante et imprévisible, elle l’est sans doute plus encore dans une telle situation.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’intervention de cette ombre malfaisante était pour toi une rationalisation : le fait que Sylvain ait été, pour toi, « assassiné » par elle était plus rassurant que le fait qu’il soit mort naturellement.
Une fois cette idée ancrée dans ton esprit, tu as tout naturellement cherché à en savoir davantage, car si l’intervention de l’ombre éliminait en partie l’injustice de la mort de Sylvain, elle n’en supprimait pas pour autant l’aspect effrayant : l’ombre pouvait s’en prendre à toi, il fallait que tu en saches plus pour t’en protéger. Et accessoirement, on ne peut pas se venger de la nature. Alors qu’il existe une petite chance, dans l’imaginaire collectif, de pouvoir se venger d’un fantôme. Pour ces raisons, c’est devenu une obsession. D’où tes recherches.
Comme tu le dis toi-même, tu as beaucoup spéculé, trop même, sur chaque élément que tu trouvais. Je pense que tu as rattaché à cette affaire tout ce qui te semblait y être relié de près ou de loin, quitte à ne pas être trop regardant sur les contradictions et les détails divergents, voire à déformer certains événements (comme ta visite impromptue de l’autre soir) pour les faire aller dans le sens de ton point de vue. A ton corps défendant, sans doute. Le besoin d’en savoir davantage primait sur tout autre considération.
Tous ces éléments ont alimenté ton histoire, jusqu’à lui donner l’aspect qu’elle a actuellement. Cette manière de procéder n’est absolument pas celle d’un chercheur sérieux, c’est là la cause de mes remarques, mais un esprit durablement traumatisé comme a pu l’être le tien n’en a cure.
En clair et en résumé, je crois tout à fait possible que tu aies inventé cette histoire pour rendre moins insupportable la mort de ton ami.
Cela impliquerait que le psy qui t’a suivi en 1993/4 ait été complètement à côté de la plaque. Je trouve cela toujours peu probable, bien que cela ne soit pas impossible. Quoi qu’il en soit, il n’est pas trop tard. Je pense qu’un autre psychologue ne s’y trompera pas, lui, et pourra t’aider. Après, je ne le suis pas moi-même, je ne fais que te donner mon opinion de profane.
Et rassure-toi, cela n’a rien à voir avec la folie. A ton âge, il est encore tout à fait possible de règler ce genre de problème. C’est long et parfois pénible, mais nécessaire : dans le cas d’un tel traumatisme les choses ne s’arrangeront sans doute pas d’elles-mêmes avec le temps, bien au contraire. Pense à ta famille…