barzhaz a écrit:
Une petite question me tourne dans la tête depuis quelques temps : le débat.

Bonjour,
Que de questions auxquelles je vais tenter de répondre bien tardivement et je vous remercie de m'en excuser.
Le principe : lorsqu'un maçon présente une planche ou expose un point de vue, il n'y a jamais d'intervention ou d'interruption sauf dérapage majeur ce à quoi le président peut arrêter l'exposé. En 14 années de maçonnerie, je n'ai jamais vu un tel évènement.
Vous dites : « Le rituel maçonnique m'apparait ici plutôt comme un carcan, un protocole à suivre qui empêche toute contestation, toute déviance ». Vous en avez une vision bien humaine

Je prendrais strictement l'envers de votre point de vue en vous disant que c'est dans le monde profane que la parole est coupée sans vergogne, que celui qui dit vrai c'est celui qui braille le plus fort ou qui a les « galons » sur les épaules, où ce qui est dit ne paraît avoir d'autre finalité que d'être contredit voire contesté.
En loge, nous avons un comportement inverse. Même si ce qui est dit ne me convient pas, je me tairai. Peut-être que la suite de l'exposé éclairera mon incompréhension ou m'apportera d'autres éléments de réflexions.
Et celui qui parle sait qu'il pourra construire son exposé comme il l'entend voire jouer la provocation au départ. Quelque soit son plan, il sait qu'il pourra aller librement au terme de sa pensée.
Nul carcan, bien au contraire. C'est la vraie liberté d'expression.
Il n'y a pas de modérateur dans les échanges qui suivent une planche si ce n'est l'autorité qu'a le président comme exposé en préambule.
L'orientation se fait ensuite naturellement. Des questions sont posées à l'orateur ou d'autres idées ou points de vue sont exprimés. L'orateur répond ou se tait s'il n'a rien à ajouter.
Vous me demandez : « Ce type de débat peut-il rester objectif, efficace ? »
Qu'est-ce qu'un débat objectif ou efficace lorsque l'exposé porte sur un thème philosophique ou symbolique ? L'objectivité n'est pas obligatoirement la finalité poursuivie. L'orateur expose son point de vue sur un sujet. C'est son système de pensée et il n'a pas à être qualifié. Il peut fort bien n'être pas objectif ou efficace. Peu importe.
Au hasard, il s'exprime sur le très classique thème de la « caverne de Platon » ou sur le mythe d'Isis et d'Osiris, quelle objectivité chercher ? Je ne vois pas.
En revanche, si l'orateur s'exprime sur un sujet social, il lui faut bien évidemment éviter les contre-vérités, les raccourcis faciles ou les lieux communs. Et s'il n'évite pas ces ornières (Ça peut arriver. Nous n'avons pas que des forts en thème en maçonnerie) alors les prises de paroles qui suivront apporteront certainement un peu plus de modération ou d'ouverture. Mais l'orateur ne se fera pas « ramasser » par le groupe comme ça pourrait se faire dans le monde profane.
Poursuivons vos interrogations : « comment se déroule la réflexion, est-elle individuelle, collective, dirigée ? Les sujets traités vont-ils toujours vers une conclusion ? Est-elle soumise au vote ? les sujets peuvent-ils être d'actualité ? »
La réflexion est individuelle de prime abord. Puis elle devient collective du fait que tous écoutent ce qui se dit même si tous ne prennent pas la parole. Une chose est certaine : elle n'est pas dirigée. Il n'y a pas, en maçonnerie, un « politburo » qui surveille ce qui se dit.
Un sujet peut ne pas conclure. D'ailleurs, la meilleure des conclusions ne serait-elle pas celle qui pose d'autres questions ?
Et comment conclure une réflexion sur les manipulations génétiques sur l'homme, la question des « mères porteuses », l'euthanasie pour ne citer que ces thèmes ? Bien hardi celui qui saurait tout trancher ex cathedra !
Lorsqu'un frère ou une sœur s'exprime individuellement au travers d'une planche, il n'y a jamais de vote. Pourrait-on imaginer invalider une planche parce qu'elle ne correspond pas aux convictions de la majorité ? Non alors une planche ne fait jamais l'objet d'une évaluation sous quelque forme qu'elle soit.
En revanche, lorsque toutes les loges de France du Droit Humain (mais c'est pareil pour les autres obédiences) doivent travailler sur un « sujet imposé » alors le travail collectif est validé ou non par un vote. Il ne s'agit plus ici de l'expression d'une idée par un membre. Le texte qui sera ensuite transmis aux instances maçonniques nationales doit correspondre aux idées de tout l'atelier, fussent-elles divergentes. On a le droit de n'être pas d'accord avec telle ou telle idée. On peut alors en exprimer une autre qui sera, elle aussi retenue.
Enfin, les sujets peuvent effectivement être d'actualité mais les ordres du jour sont établis plusieurs semaines voire mois à l'avance (par exemple, comme je ne serai plus président d'atelier, je sais que je présenterai une planche en février 2009 !) Avec de tels décalages dans le temps, nous échappons de facto à la réaction aux manchettes de la presse du jour. Une saine réflexion ne naît pas dans l'immédiateté du propos. Elle a besoin de temps et de recul pour perdre sa virulence et s'assagir.
Poursuivons : « Au final, comment être sur de détenir une vérité, si ce n'est LA vérité ? car l'influence incontestée de la FM sur le politique, même si elle ne donne qu'un avis, lui donne aussi une grande responsabilité ! »
Il n'y a pas une vérité mais des possibilités.
Personne ne détient la vérité et surtout pas des maçons qui érigent le doute en voie de progrès. Quant à l'écho de nos réflexions en politique, le législateur nous pose une question. Nous y répondons. Ensuite, c'est la parlement qui puise ou pas dans nos remarques. Nous n'avons aucune influence sur lui et nous n'en voulons pas.
Ce qui me permet d'arriver à votre « question subsidiaire : la FM reconnait-elle ses erreurs passées ? ».
Je ne sais pas la maçonnerie, en tant que institution, a à faire œuvre de repentance. En revanche, son comportement d'aujourd'hui est bien le fruit de l'enseignement qu'elle retire de ses erreurs passées notamment lorsqu'elle avait pour le compte une réelle influence en politique. Citons la 3e République qui en est le prototype même.
Aujourd'hui, des ministres, des parlementaires sont maçons. J'imagine qu'ils respectent leurs idéaux maçonniques dans leurs missions politiques. Mais l'institution maçonnique a bien compris que là n'était pas sa sphère de compétence. Elle n'a pas d'activité politique et c'est un grand bien. Elle donne son avis (
http://www.droithumain-france.org/-Une- ... tion-.html) Après, chacun en fait ce qu'il veut.
Et les « affaires » dans tout ça ! Eh bien les « affaires » impliquant des maçons se font toujours en dehors de l'institution maçonnique qui ne maîtrise bien sûr pas les comportements individuels.
Je ne peux pas cautionner des maçons qui constituent un « réseau ». Je sais que ça existe mais nous ne sommes pas là pour ça. De mon point de vue, des maçons qui profitent du système pour sortir des lois de la République ne sont pas des maçons; D'ailleurs l'institution les « vire » rapidement.
J'espère avoir répondu à quelques unes de vos interrogation.
Bonne journée,
Dominique