Bonsoir à tous,
En lisant les divers messages, je remarque plusieurs sortes de consensus apparents, ici (et ailleurs),
1) On parle de LA religion en général, en amalgamant joyeusement diverses croyances dont les fondements théologiques ou philosophiques sont parfois opposés.
2) On ne parle de la religion qu’en référence à l’éthique, à la morale.
Sur le premier point, je sais que ce que je vais dire ne sera pas très apprécié, dans une société qui consacre de plus en plus le relativisme comme l’une des valeurs constitutives de la philosophie commune, mais il est faux de mélanger toutes les croyances sans distinction, au prétexte que toutes se valent.
D’abord, comme je l’ai dit, si on amalgame les religions dans LA religion, on risque plusieurs fautes de logique, comme mettre dans un même sac ceux qui croient en un temps cyclique et ceux qui croient à un temps linéaire, ou bien ceux qui pensent que l’homme est prédéterminé, ou ceux qui insistent à l’inverse sur son libre-arbitre.
Il faut, avant de s’embarquer dans une discussion sur LA religion, éclater cette dernière notion (trompeuse), et la diviser selon une typologie précise. Le premier critère de distinction est sans doute celui de l’ontologie (pensée moniste ou dualiste).
C’est ce mélange qui fait que certains, assistant au cataclysme du 11 septembre, vont se livrer au syllogisme abusif suivant :
« islam des kamikazes = LA religion ;
catholicisme (ou bouddhisme) = LA religion ;
par conséquent : catholicisme (ou bouddhisme) = kamikazes. »
La grande faute que l’on commet est l’utilisation de l’article universel « LA ». Si l’islam (ce qu’il convient de prouver) est effectivement intrinsèquement
kamikazogène, rien ne permet de l’assimiler a priori à d’autres religions sous le seul prétexte que l’on emploie le même mot (« religion ») pour désigner des réalités philosophiques et théologiques aussi dissemblables que le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme, l’hindouisme, l’animisme, etc.
Ensuite, je remarque que le débat autour de la religion tourne presque exclusivement autour des notions d’éthique et de morale. Et là, l’athée a beau jeu de déclarer : « si la religion est censée établir la paix, et que l’on constate qu’elle a connu des crises d’agressivité chronique, alors la religion manque son but et ne sert à rien ». Même genre de raisonnement que pour « si Dieu est intrinsèquement bon et tout-puissant, et que l’on constate l’existence du mal sur terre, alors Dieu n’existe pas ».
Or, ces deux arguments sont faux, parce qu’ils omettent des éléments d’une importance primordiale. Pour Dieu et le problème du mal, on oublie le libre-arbitre de la créature, et le sens (signification) de la création. Pour la religion et la guerre, on oublie deux choses : a) de préciser de quelle religion on parle ; b) (si l’on parle du christianisme) de dire que le propos de la religion n’est pas éthique.
D’autre part, dire que les religions sont criminogènes (et supposer
a contrario qu’une société a-religieuse serait plus pacifique), c’est oublier les exemples malheureusement récents de régimes parfaitement athées et anti-religieux qui se sont trouvés être les pires criminels de l’histoire.
Au mieux, donc, on doit reconnaître une équivalence entre religion et athéisme en cette matière. Et donc reconnaître que ce qui cause la guerre, ce n’est pas la religion ou l’absence de religion, mais certaines caractéristiques de la nature humaine (puisque la guerre transcende le fait religieux).
Mais, j’insiste sur le point b) (en ce qui concerne le christianisme) : le but de la religion chrétienne n’est pas premièrement éthique. Ce n’est pas d’établir une morale universelle sur terre (le millénarisme a toujours été hérétique). Le but du christianisme est d’ordre ontologique : la participation de l’être créé à l’être incréé.
Alors, peut-on demander : pourquoi Dieu est-il invisible ?
Mais parce qu’un Dieu évident pour tous, cela reviendrait à une
nécessité de croire. Or, la nécessité abolit toute notion de liberté, de libre-arbitre. Et c’est cette notion de libre-arbitre qui est précisément au cœur de l’équation proposée par l’incarnation : don de Dieu, libre acceptation de la créature.
Citation:
Je suis d'accord avec Dawkins, la religion ça appartient au moyen-âge, il est temps de progresser.
Affirmation purement a priori, où l’on sent à trois kilomètres toute une somme de clichés sur « l’obscurantisme moyenâgeux »… Ce que je trouve le plus ironique, c’est que l’on puisse critiquer a priori la « barbarie » du « Moyen-Âge » quelques décennies à peine après Auschwitz et la Kolyma…
Quant à l'idée de "il faut progresser", c'était ce qu'avaient à la bouche, déjà, les positivistes triomphants du XIXème s.
Citation:
Non ce ne sont pas des manifestations "peace & love" mais des guerres de religions. Cela est faisable à partir du moment où une religion possède un pouvoir d'action directe, comme à l'époque des croisades où l'Eglise gouvernait le pays.
En ce qui concerne la France, l’Eglise n’a jamais « gouvern[é] le pays »…
Les rois de France ont toujours été jaloux de leurs prérogatives temporelles (et à juste titre).
En revanche, ils baignaient, eux (comme leurs sujets), dans une philosophie ambiante chrétienne. Mais, évidemment, avec plus ou moins de fidélité pour ses principes dans leur vie quotidienne…
Tout comme aujourd’hui, nos présidents, premiers ministres partagent, avec l’ensemble du peuple, une philosophie ambiante où l’on croise des notions telles qu’humanisme laïc ou relativisme. Philosophie qui se veut éminemment éthique, mais à laquelle nos dirigeants et nos contemporains ne sont pas forcément attachés de manière purement altruiste…
Sur ce point,
nihil novi sub sole...
Citation:
C'est quand-même bizarre que moi je n'aie pas besoin de religion pour diriger ma vie et mes actes, et pourtant j'essaye d'agir la plupart du temps pour le bien. Evidemment, on me répondra que le bien est une notion basée sur des préceptes religieux. Mais qui était là avant l'autre?
Si les religions n'avaient jamais existé, serais-je un barbare?
Et si Jésus n'avait pas existé, prierait-on Monsieur Durand ou Madame Dupont?
Il paraît que la Nature a horreur du vide...
Mais as-tu jamais envisagé la religion sous un angle autre que purement éthique ?
Amicalement,
Logos