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"Et Dieu dans tout cela ?" C'est une question que le public pose régulièrement au scientifique conférencier quand il a terminé son discours, surtout si celui-ci a traité du big bang. Parce que, voyez-vous, Dieu, c'est l'autre grand candidat pour briser notre solitude cosmique. Alors, le conférencier est le plus souvent embarrassé. Il peut esquiver en répétant la fameuse réponse de Laplace à Napoléon : "Sire, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse." Mais alors, rétorque-t-on, pourquoi faire l'économie d'une hypothèse qui explique tout ? Parce que si elle explique tout, elle ne prédit rien, et le travail du scientifique est de prédire.
Il est vrai que la science n'explique pas tout et ne le fera jamais, mais sa nature est de s'appuyer sur des événements observables et quantifiables. Dieu et la science ne jouent pas sur le même terrain. Il n'y a donc pas à les opposer, ni à les unir. Seules nos convictions (religieuses, politiques, philosophiques) nous guident dans notre pensée, nos choix, nos actes. On ne peut pas faire de raisonnement scientifique sur Dieu. Encore moins d'expériences ou de recherches de détection, cela va sans dire. On ne tranchera jamais la question en retournant un caillou sur la planète Zorg ou en fixant une fois pour toutes les limites de l'univers, car la question est d'un autre ressort.
Un Dieu personnel
Peut-on être un scientifique et croire en Dieu ? Voilà aussi ce qui turlupine le public ; d'où la question encore plus directe et embarrassante posée au conférencier : "Et vous, croyez-vous en Dieu ?" Passons sur les bêtises du genre "Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène", même si elles ont été proférées par Pascal ou Pasteur. La plupart des plus grands scientifiques du passé, Copernic, Kepler, Galilée, Newton... étaient en effet croyants. Mais pratiquement tout le monde était culturellement obligé de l'être, et ceci, jusqu'au XIXe siècle, époque où - du moins en Occident - se sont un peu relâchées les pressions de la société et de la justice sur la liberté de pensée des individus. De fait, les grands scientifiques qui professent leur foi sont de plus en plus difficiles à trouver au XXe siècle, y compris dans les pays qui paraissent plus religieux que d'autres, ce qui est le cas des États-Unis.
Il n'est pas inintéressant de rappeler une étude publiée en 1968 par la grande revue Nature, révélant que 7 % seulement des membres de la National Academy of Sciences croyaient en un Dieu "personnel" (c'est-à-dire un Dieu qui s'intéresse aux individus, entend leurs prières et juge leurs péchés). Plus récemment, une étude similaire a porté sur les 1.074 membres de la Royal Society britannique (incluant le Commonwealth) : 3 % croient en un Dieu personnel, et l'écrasante majorité (80 %) est carrément athée.
Plus généralement, plusieurs études statistiques ont prouvé que, plus le niveau d'instruction d'un individu est élevé, moins il a de chances d'être croyant ou de tenir à des "croyances" quelles qu'elles soient. Bref, croit qui veut croire. Les autres se passeront de l'"hypothèse" Dieu, qui n'en est justement pas une, car une hypothèse se doit d'être testable. Dans les deux cas reste ouverte la quête de réponses scientifiques à nos questions scientifiques ; c'est la seule chose qui nous concernait dans ce livre.
source:
http://www.lepoint.fr/societe/et-dieu-dans-tout-cela-par-jean-pierre-luminet-14-09-2010-1236038_23.php