« Se souvenir de sa naissance » ? Faut-il encore s’entendre sur le terme de « souvenir »…
Si souvenir(s) il y a, ce serait - certains viennent d’ailleurs de le relever - probablement davantage comme « stigmate psychologique ».
Comme anecdote concernant l’empreinte subjective laissée par l’acte de la naissance sur le sujet, on peut se référer à la théorie avancée par Rank sur le « traumatisme de la naissance ». À l’origine, cette idée d’un « trauma » mis en lien avec la notion « d’angoisse » liée à la naissance est un concept développé par Freud :
Citation:
"Vous serez peut-être curieux d'apprendre comment on a pu arriver à l'idée que c'est l'acte de la naissance qui constitue la source et le prototype de l'état affectif caractérisé par l'angoisse. L'idée est aussi peu spéculative que possible ; j'y suis plutôt arrivé en puisant dans la naïve pensée du peuple. Un jour - il y a longtemps de cela! - que nous étions réunis, plusieurs jeunes médecins des hôpitaux, au restaurant autour d'une table, l'assistant de la clinique obstétricale nous raconta un fait amusant qui s'était produit au cours du dernier examen de sages-femmes. Une candidate, à laquelle on avait demandé ce que signifie la présence de méconium dans les eaux pendant le travail d'accouchement, répondit sans hésiter : "que l'enfant éprouve de l'angoisse". Cette réponse a fait rire les examinateurs qui ont refusé la candidate. Quant à moi, j'avais, dans mon for intérieur, pris parti pour celle-ci et commencé à soupçonner que la pauvre femme du peuple avait eu la juste intuition d'une relation importante." (Freud, S. (1916). Introdution à la psychanalyse)
Par la suite Rank, élève de Freud, reprendra et radicalisera l’idée d’un « traumatisme de la naissance », considérant de fait que tout le monde est traumatisé et qu’une nouvelle forme de « thérapie » pouvait s’élaborer à partir d’une analyse personnelle de cet instant décisif chez chacun…
Freud prendra position et s’éloignera de la thèse de Rank partant du principe qu’il ne s’agit dès lors plus de la psychanalyse.
La naissance comme événement initial marquant l’individu et orientant la construction de sa subjectivité ? Peut-être, mais même si cet épisode originel semble relativement brutal, il est certainement paradoxal, voire incongru, de parler de « traumatisme » comme le souligne Jung, un autre élève de Freud :
Citation:
"[…]c’est un événement qui arrive à tout le monde : chaque homme est né une fois. Tous ceux qui sont nés ont supporté ce traumatisme ; aussi le mot a-t-il perdu son sens. C’est un fait général et nous ne pouvons dire : c’est là un traumatisme. C’est seulement un fait. Car nous ne pouvons pas observer la psychologie de quelqu’un qui ne serait pas né et c’est seulement si nous pouvions le faire que nous pourrions dire ce qu’est le traumatisme de la naissance. Jusque-là nous ne pouvons même pas parler de traumatisme de la naissance. C’est une erreur d’épistémologie." (Jung, C.G., (1961). Entretiens avec C.G. Jung)
Un événement brutal pour le corps humain certes, mais un épisode susceptible de s’ancrer dans la mémoire du (futur) sujet et, conséquemment, susceptible d’y jouer son rôle dans le drame d’une vie ? Pas évident… Dans tous les cas, les narrations détaillées de cet instant premier me semblent davantage se référer à un fantasme ou à un roman personnel que véritablement à une réalité psychique.