Sous les eaux du golfe de Khambat
L'archéologie sous-marine indienne à la recherche de la plus ancienne civilisation . C'est une aventure au dessous du niveau de la mer, sur les traces d'une très ancienne civilisation, sans doute plus ancienne encore que celle du site de Harappa et des sites de la vallée du fleuve Sarasvatî.
Les vestiges s'étendent eux aussi sur les rives d'un fleuve, aujourd'hui englouti sous les eaux du golfe de Khambat (ou Cambay en anglais), sur une longueur de 9 kilomètres. Ils témoignent d'une civilisation avancée, capable de construire un barrage sur le cours d'eau et de grands aménagements publics.
L'archéologie sous-marine nous offre avec cette découverte un mystère de plus à élucider : la civilisation est-elle née en Mésopotamie ou en Inde ?
1°) Le Golfe de Khamblat ou Cambay
La ville indienne de Khambhat (ou Khambat, Cambay de son ancien nom anglais), dans l'Etat du Gujarât, bâtie sur l'estuaire du fleuve Mahi, a donné son nom à un bras de la mer d'Oman, peu profond, étranglé entre la péninsule de Kathiawar et la côte Est du Gujarât.
C'est à trente kilomètres au large des côtes et par quarante mètres de profondeur que l'équipe du "National Institute of Ocean Technology" de Chennai (Madras) a identifié sur les relevés de ses sonars les traces de la civilisation engloutie.
Le golfe de Cambay n'est pas inconnu des archéologues. La rivière Sarasvatî ("qui est comme l'eau", Sarasvatî est une déesse du panthéon hindou) asséchée depuis plus de quatre mille ans, a été le berceau de nombreuses cités apparentées à la civilisation de Harappa. Cette rivière avait son estuaire dans le golfe de Cambay.
Les eaux du golfe sont troubles en raison de la permanente agitation apportée par les courants sous-marins et par la pollution. C'est d'ailleurs au cours d'une étude de la pollution de l'eau qu'ont été identifiés, sur les relevés sonar, les vestiges de la civilisation du golfe de Khambhat.
2°) Les découvertes archéologiques
"Cela ressemble à une civilisation du type Harappa mais remontant bien plus loin, à 7500 avant J.-C.", déclarait le ministre indien du développement des ressources marines, Murli Manohar Joshi.
C'est l'interprétation des images sonar prises par l'équipe de recherche du N. I. O. T. qui a permis la découverte. Les images montrent les traces de constructions.
Elles montrent très nettement (pour les spécialistes) les structures étendues sur près de neuf kilomètres le long du lit de l'ancien fleuve.
De nombreux objets ont été découverts et rapportés à la surface : restes de poteries, objets travaillés, perles, fragments de sculptures et matériaux de construction. Ont été retrouvés également des fragments d'os humains et des morceaux de bois carbonisés ainsi que des objets perforés. Ils témoignent d'une présence et d'une installation humaine sur le site.
Les morceaux de bois ont permis une datation selon la méthode du carbone 14 : -7500 ans avant notre ère.
La présence de corail prouve l'existence d'une eau claire, le corail ne se développant pas dans les eaux troubles comme le sont celles du golfe aujourd'hui
Les constructions sont identifiées comme un grand réservoir de quarante mètres de côté, et ce qui pourrait être une acropole et des temples. Des traces de canaux laissent penser à l'existence d'un système de drainage. Les vestiges d'un barrage ont aussi été observés par les spécialistes sur les images sonar. Une construction de 183 mètres de long, en brique de boue, pourrait être un grenier à céréale. Tout à côté, on retrouve également les fondations de ce qui pourrait être des maisons
3°) La plus ancienne civilisation urbaine
La civilisation découverte dans le golfe de Khambat, sur la base de la datation au carbone 14 d'une pièce de bois, est beaucoup plus ancienne que la civilisation de la vallée de l'Indus et celle de la vallée de la Sarasvatî (site de Lothal) pourtant très proches géographiquement : 7500 ans avant notre ère pour Khambhat contre 2500 ans avant notre ère pour la civilisation de l'Indus. La préhistoire indienne fait avec cette découverte un bond en arrière de 5000 ans.
La Mésopotamie était jusqu'alors considérée comme le berceau de la civilisation urbaine, les premiers villages étant datés de -3500 ans
Le néolithique
Le néolithique se caractérise par de profondes transfor- mations du mode de vie des hommes : passage d'un mode de vie nomade à sédentaire, outils de pierre polie puis de cuivre, utilisation de la brique crue comme matériau de construction et développement de l'agriculture et de l'élevage. Les premiers artisanats se développent également avec l'apparition de deux outils essentiels : le tour de potier et le métier à tisser. L'homme pouvait désormais fabriquer des tissus et des contenants pour ses aliments. Du coup, la société humaine va se transformer, par une spécialisation des tâches. La sédentarisation avait apporté le développement du rôle de la femme. Le développement de l'artisanat crée une classe d'artisans. La sédentarisation va également donner naissance à une fonction de défense. Le néolithique, c'est également une rupture dans la place de l'homme dans la nature : désormais, l'homme apprend à modifier son environnement... ce qu'il n'a pas cessé de faire depuis.
Un puits sur le site de Lothal
Foyers de civilisations
Les principaux foyers de civilisation du néolithique sont par ordre d'ancienneté :
- la Mésopotamie : -3500 / -1100
- l'Égypte : -3100 / -1000
- l'Inde : -2900 / -1500
- la Chine : -1500 / -1000
- le Mexique : -1200 / -300
Ces foyers de civilisations se sont toujours développés le long des fleuves, sources d'eau, de nourriture par la pêche, de protection, d'irrigation pour les cultures : Tigre et Euphrate en Mésopotamie, Indus en Inde, Nil en Égypte, Huang-Ho en Chine. L'homme a appris à utiliser les fleuves et leurs caprices, utilisant le limon apporté par les crues pour enrichir les terres et améliorer le rendement des récoltes, construisant des canaux d'irrigation et des barrages.
La confirmation de la datation du site de Khambat ferait de l'Inde le berceau de la civilisation urbaine et bouleverserait la perception que nous avons du néolithique.
4°)La controverse scientifique
Le site de Khambhat est de découverte récente. Un travail très important d'exploration et d'analyse reste à réaliser. La datation du site a été réalisée sur la base d'une pièce de bois selon la méthode du carbone 14. Mais certains scientifiques réfutent les arguments en faveur du site de Khambat.
L'archéologue et géologue américain Paul V. Heinrich met en cause (voir l'article publié sur son site : Artifacts or Geofacts) la validité de l'interprétation des découvertes d'artefacts indiens.Les objets retrouvés pourraient avoir été façonnés naturellement, les restes humains s'expliquant naturellement par la forte présence humaine dans la région. Même les perforations circulaires ont pu être réalisées par le travail de la nature. Heinrich étaie son argumentation par la publication d'autres objets, similaires à ceux trouvés dans le golfe de Khambhat, mais tout à fait naturels. Il faut reconnaître que les documents de Heinrich sont tout à fait impressionnants et ses explications rationnelles.
La datation au carbone 14 d'une pièce de bois retrouvée avec les objets ne prouverait pas pour autant l'ancienneté des autres objets trouvés dans la même couche stratigraphique. Ce type d'anomalie serait parfaitement connu.

La controverse est donc ouverte.Il faudra certainement beaucoup de temps pour confirmer définitivement ou infirmer la validité du site. D'autres travaux seront certainement publiés dans les prochains mois sur le sujet, il ne nous reste plus qu'à attendre...
5°) Liens utiles
Le site du N.I.O.T.
http://www.niot.ernet.in/index.html Le site de Graham Hancock
http://www.grahamhancock.com/intro.php Le site de P.V. Heinrich
http://www.intersurf.com/~chalcedony/geofact.shtml Un article du Dr Kalyanaraman
http://www.sulekha.com/articledesc.asp?cid=196338 Un site d'initiation au néolithique
http://www.seminaire-sherbrooke.qc.ca/c ... thique.htm